Le chef du parquet de Nivelles ne tient plus qu'à un fil...
Il devient quasi impossible de rendre compte de tout ce qui se passe autour et à la commission parlementaire d'enquête sur le terrorisme et le banditisme tant les événements se bousculent. Mis de plus en plus gravement en question sur base d'accusations précises émanant d'au moins six magistrats de Nivelles, défendu il y a un mois par le procureur général émérite Victor Van Honste puis hier par le premier avocat général émérite Jaspar, le chef du parquet de Nivelles ne tient plus qu'à un fil que personne pour l'instant ne veut couper.
Hier soir, après l'audition de M. Jaspar, le ministre de la Justice a exposé à huis clos la problématique: la commission d'enquête a entendu les accusations et doit pouvoir réentendre les moyens de défense du procureur de Nivelles tandis que le parquet général de Bruxelles enquête sur le vol, ou le "pseudo-vol" de la lettre "personnelle et confidentielle" écrite par le procureur au ministre de la Justice.
Cornélien.
Le 13 décembre, M. Deprêtre a écrit au ministre de la Justice M. Wathelet une lettre "personnelle et confidentielle" pour le moins désobligeante pour certains membres de la commission d'enquête, et injurieuse pour d'autres personnes. Le ministre Wathelet a évoqué le problème jeudi en séance publique de la Chambre et vendredi à huis clos avec la commission d'enquête.
(Suite en huitième page.)
Commission d'enquête banditisme terrorisme: L'avocat général Jaspar, superbe mais malmené...
(Voir début en première page.)
Jeudi, le ministre Wathelet a dit à la Chambre que "le débat est difficile, une partie importante de ce document aurait été révélée à plusieurs personnes par l'expéditeur de la lettre, il y a pu avoir vol et effraction, le procureur général va examiner les conclusions tant du point de vue pénal que disciplinaire".
L'affaire de la "lettre volée" s'ajoute ainsi aux débats de la commission. Si M. Deprêtre a bien cédé en décembre des photocopies de sa lettre, notamment à ses substituts (le substitut Van Lierde en a parlé jeudi soir à la commission), mais s'il porte plainte ensuite pour «vol», il est punissable. C'est l'objet de l'information judiciaire en cours au parquet général. Ou le procureur est victime, ou c'est lui qui a tendu un piège.
Six magistrats de Nivelles ont formulé des accusations graves contre le procureur Deprêtre. Jeudi soir, c'est le substitut Van Lierde qui a dit son amertume, sa déception, confirmant que M. Deprêtre avait bien montré ou donné copie de sa lettre "confidentielle" à plusieurs personnes, que le climat de travail à Nivelles était devenu "invivable".
Vendredi, l'avocat général émérite M. Jaspar a, avec superbe et intelligence, confirmé qu'il avait bien pressé en 1986 le procureur de Nivelles de faire clôturer le dossier du "suicide" de Latinus (qui vient d'être rouvert sur injonction du ministre), pour joindre ce dossier à celui du procès du double assassinat d'Anderlecht, à la demande de la défense. M. Jaspar a présenté sa version du double assassinat de la rue de la Pastorale: un crime de pur droit commun, commis pour encaisser les sept millions de l'assurance-vie d'une des victimes. Il a donné sa version de la mort de Latinus: pas un suicide (même si l'affaire a été clôturée par un non-lieu sur sa propre insistance), mais sans doute un crime déguisé en suicide:
"Les petits scouts du WNP avaient été entraînés par Calmette aux arts martiaux et au close combat, à la manière de tuer sans laisser de trace. Latinus a probablement été étranglé avant d'être pendu. Peut-être par ses copains du WNP. Pas de preuve de l'assassinat imputable à quelqu'un. Je l'ai dit au procès de la Pastorale, c'est vérifiable notamment dans les reportages d'un certain Haquin. (Un député lui répond: ...oui, bien connu de nos services...) Je ne voulais pas faire clôturer ce dossier sur le thème de la pendaison érotique à laquelle je n'ai jamais cru, mais je voulais "fermer" cette hypothèse. J'avais demandé au parquet de Nivelles de me faire connaître ses réquisitions. Je ne les ai reçues qu'après l'ordonnance de non-lieu. C'était jugé, c'était trop tard."
M. Jaspar a insisté pour faire clôturer le dossier du suicide de Latinus. La loi prévoit qu'il faut des éléments nouveaux pour le remettre à l'instruction. Actuellement le parquet général, sur injonction du ministre Wathelet, cherche de tels éléments. Pour M. Jaspar, il n'y en a pas. Plusieurs députés lui font remarquer que la conviction du crime était la sienne à l'époque, mais M. Jaspar justifie son insistance auprès du parquet de Nivelles par la nécessité de joindre le dossier Latinus à celui du procès du double assassinat de la Pastorale. Que dire dès lors de la conviction du procureur Deprêtre à propos du "suicide" du chef du WNP? M. Jaspar élude et répond que tout le monde peut se tromper...
Le président Bourgeois et plusieurs députés l'ont malmené. M. Jaspar est un puriste, plus intelligent que convaincant... Prochaine séance, mardi.
Bron: Le Soir | René Haquin | 1 juli 1989
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