Ben wrote:De Brusselse Advocaat-generaal Pierre Morlet was eind jaren 80 bij het parket-generaal belast met het volgen van het onderzoek naar het overlijden van de maarschalk, Paul Latinus. Over de WNP zijn boeken gepubliceerd maar tegenover de tweede parlementaire onderzoekscommissie verklaarde de magistraat dat over die organisatie "alles nog moet gezegd worden."
Commission d'enquête banditisme terrorisme - WNP, Latinus, Pinon: sable et écluses
Pierre Morlet, ancien substitut de Nivelles, aujourd'hui avocat général à Bruxelles, a mis, mardi, le doigt sur les "grains de sable" et sur les écluses qui ont contrarié le cours des enquêtes WNP, Latinus et Pinon. Il parlera plus tard du dossier Mendez, mais la commission d'enquête devait aussi entendre le substitut Duynslaeger et l'avocat général Huenens sur l'affaire Vernaillen. Le président Bourgeois a décidé de réentendre d'autres témoins.
M. Morlet est favorable à l'instruction contradictoire qui permettrait aux juges de redevenir juges de leurs instructions et de mieux contrôler les polices, en évitant les dérives de shérifs trop sur le terrain policier ou de juges timides trop inféodés aux parquets.
Splitsing et téléphones ...
Le splitsing du dossier WNP en 1983 (un dossier "vol de télex militaires", un dossier "milice privée") fut pour Pierre Morlet une première erreur, les deux affaires étant manifestement liées.
Trois ans plus tard, les deux dossiers furent renvoyés en correctionnelle. Premier grain de sable: le dossier "vol de télex" était manifestement politique et relevait des assises. "Ce fut une erreur juridique grossière résultant d'un travail hâtif et imparfait du parquet de Bruxelles et le parquet général ignorait ces réquisitions", poursuit l'avocat général.
Pour corriger le tir, le procureur général Van Honsté (sur avis de l'avocat général Jaspar qui avait hâté la conclusion du dossier Latinus pour le joindre avant le procès du double assassinat de la Pastorale mais demandait à la fois de reporter le procès WNP après celui de la Pastorale!) donna dans ce sens des "directives téléphoniques non confirmées par écrit et mal interprétées par le parquet qui crut devoir attendre de nouvelles directives". "L'erreur d'interprétation" fut repérée plus d'un an plus tard, fin décembre 1987, quand M. Morlet souleva au parquet général la question de la fixation du procès WNP.
L'explication ne plaît pas au député Coveliers: "C'est pour ça qu'on parle d'enquête trahie..."
On connaît la suite. Le tribunal s'est déclaré incompétent dans le dossier de la milice WNP, prescrit depuis juin 1988. Restait à renvoyer le dossier "vols de télex", et les militaires du WNP, devant le conseil de guerre pour "trahison" (la prescription est ici de dix ans).
"Je me suis efforcé à sauver ce qui pouvait l'être", ajoute M. Morlet. Inquiétants raccommodages dont sont aujourd'hui deux fois victimes les derniers inculpés, qui, eux, seront jugés à part, et pour un crime, pas pour délits politiques!
Etranglé ou pendu?
Venons à la mort de Latinus. Descendu au matin du 25 avril 1984 dans la cave du pendu (déjà à la morgue), le juge Schlicker n'a pas fait photographier les lieux ni peser le corps par le légiste (qui a rentré son rapport dix mois après!). On a dû demander à sa mère combien pesait Latinus (50 ou 55 kilos, lit-on dans le dossier)! C'est sur cette base qu'ont été réalisés les tests de traction sur un câble téléphonique du même type.
Pour M. Morlet, la pendaison "pieds ne touchant pas le sol" est à exclure: Latinus est mort en pendaison incomplète ou par strangulation. Mais tous les tests ont été faits dans l'hypothèse de la pendaison verticale: ça cassait toujours. On n'a pas fait vérifier l'hypothèse de la pendaison incomplète. Plutôt que de fermer les portes des hypothèses, le juge Schlicker les a ouvertes ou entrouvertes. Le dossier Latinus est ainsi devenu le dossier "WNP n° 2".
Le 20 mai 1986, le procureur Deprêtre écrit au parquet général qu'il va inventorier le dossier et le communiquer avec un projet de réquisitoire de non-lieu. "Il n'a pas encore le dossier et déjà il annonce le non-lieu...", laisse tomber le président Bourgeois. M. Morlet dit que c'est en réponse à cette lettre que l'avocat général Jaspar a demandé trois nouveaux devoirs (l'hypothèse de la pendaison érotique) avant le non-lieu obtenu en novembre 1986, suivant le réquisitoire du procureur de Nivelles basé sur le suicide.
"Si le parquet général avait été consulté par M. Deprêtre, il aurait demandé un non-lieu en cause d'inconnu, laissant ouverte la porte au crime. Je vous le certifie", ajoute M. Morlet.
On passe au dossier Pinon que possédait Latinus et que son amie lui subtilisa quatre mois avant sa mort. En février 1985, le juge Schlicker décida d'interroger le Dr Pinon et de perquisitionner chez son ex-épouse. Puis il y a renoncé après que le procureur Deprêtre lui eut donné des "explications verbales" sur le dossier Pinon. Le juge a alors retiré de son dossier les pièces relatives à ces devoirs.
M. Coveliers et toute la commission s'étranglent: "En droit pénal, ça s'appelle... Si vous faites ça comme avocat, vous êtes suspendu...".
Vision de mort
"A l'actif du juge Schlicker, ajoute M. Morlet, il a essayé, lui, de savoir ce qu'était le WNP et ses relations avec la Sûreté. D'autres enquêteurs s'en sont très peu préoccupés. Latinus disait l'avoir créé à la demande de ses supérieurs américains pour traquer les milieux noyautés par le KGB en Belgique. Libert disait que le WNP était destiné à collaborer avec la Sûreté. Barbier parlait d'un groupe de lutte contre les infiltrations soviétiques doublé par un ordre militaire et religieux. Ils avaient un discours extérieur, défendant les valeurs occidentales, et un discours interne, enraciné dans les mythologies germaniques, très dangereux, basé sur une vision de destruction, de chaos et de mort. Baigner dans ce climat des marginaux fascinés par la violence peut donner des résultats particulièrement détonants. J'ignore s'il y a corélation directe avec les tueries du Brabant. On n'a pas analysé assez ce danger."
"Je pense qu'il sera nécessaire de réentendre tout le monde ...", laisse tomber le président Bourgeois, effrayé. On est loin des gugusses de mauvais roman dont parlaient MM. Raes et De Vlieghere, de la Sûreté ...
Bron: Le Soir (René Haquin) | 5 juli 1989