Les hommes de Delta presentent un schema qui ne convainc pas la commission Tueries: les informations qui fondent ...
Des indices sans preuves. Des liens vagues avec la bande Haemers, l'extrême droite et même les Borains.
Après l'ancien juge d'instruction de Termonde Freddy Troch, dessaisi en 1990 des dossiers de Tamise et d'Alost au profit de Charleroi, la commission d'enquête «bis » sur les tueries du Brabant a entendu, lundi soir et mardi, ses trois principaux enquêteurs de la cellule Delta, (avec «D» comme Dendermonde) créée après la tuerie de novembre 1985 à Alost.
Le colonel de gendarmerie Eric Sack, le commissaire de P.J. Alfons Van Rie et l'adjudant Collewaert restent convaincus de l'existence de liens entre les tueries et la bande de De Staerke (condamné à 20 ans pour hold-up, braquages et vols de voitures). Leur hypothèse est fondée sur les informations «douces» reprises dans le schéma du colonel Sack : De Staerke serait impliqué dans la tuerie d'Alost (dont il reste le seul inculpé), mais aussi dans celle d'Overijse, avec un autre de la bande, Serge Papadopoulos, le «géant» qui boite et qui correspond à une description donnée par un témoin d'Overijse.
De Staerke n'a pas d'alibi. Sa fille et sa maîtresse disent qu'il a fait des courses au Delhaize d'Alost peu avant la tuerie de novembre 1985. La nuit suivante, il aurait déposé une Samsonite (avec les armes d'Alost ?) chez Papadopoulos avant d'aller l'enterrer dans le bois de Pepingen, puis de la déterrer. Une Samsonite fut saisie en 1986. De Staerke, spécialiste en dénégations, prétend que la valisette ne contenait que de faux papiers et des bijoux. Mais, envoyée à l'analyse à Londres, la Samsonite livra une douille et des traces de poudre...
Les limiers de Delta ont d'autres indices : des propos tenus par De Staerke après Alost, selon des comparses; un manteau gris (vu par un témoin) pareil à celui retrouvé chez un complice. Et quelques coïncidences, comme la ligne de fuite des tueurs qui menait d'Alost vers Hal, la région de De Staerke. Mais pas assez pour étayer un dossier d'assises, admettent-ils.
Les hommes de Delta ont aussi trouvé des liens entre la bande De Staerke et celle de Patrick Haemers via Simone Menin, une ancienne fiancée, et via l'armurier Darville. Peut-être aussi un indice avec les masques de carnaval trouvés dans un box de la bande Haemers à Uccle. Et des liens avec l'extrême droite, via Jean Bultot (ex-directeur de prison...), Lammers (qui fut en contact avec Haemers), les ex-gendarmes Bouhouche, Beijer et Lekeu, le Front de la jeunesse, le groupe G, le WNP. Même des liens avec les Borains via Becker (cité dans le dossier de Tamise), Estiévenart (en relation avec un cousin de De Staerke) et Nardella (dont la soeur fréquenta un de la bande de De Staerke). Le colonel Sack relie même De Staerke, l'intrigante Sonia Cams (du dossier Reyniers) et l'ancien magistrat Claude Leroy qui appartint au cabinet de Jean Gol. Ben voyons...
"De Gol on peut aussi passer à Wathelet, lance un député. Ne trouvez-vous pas que ce sont des liens assez... euh... déplorables?" Clôturant son exposé, le colonel Sack a stigmatisé, sans l'expliquer autrement que par une mentalité bruxelloise méprisante pour la province, l'agressivité de trois officiers de la P.J. de Bruxelles, Frans Reyniers, Georges Marnette et Yves Zimmer.
Le procureur de Termonde, M. De Saeger, précise même avoir en personne téléphoné à propos de Bultot au procureur de Bruxelles Francis Poelman (aujourd'hui décédé) qui lui aurait répondu que Bultot était une personne honorable. Les trois enquêteurs du groupe Delta disent n'avoir jamais trouvé ailleurs qu'à Termonde une aussi bonne collaboration interpolices. Mais des gens comme Lekeu ou Bultot, tenus pour suspects par Termonde, étaient considérés comme des informateurs par les cellules d'enquête de Charleroi, de Bruxelles ou de Nivelles.
"Regrouper tous les dossiers à Charleroi, pensez-vous, comme on l'a dit et écrit, que cela signifiait condamner à l'échec l'enquête sur les tueries?" demande alors Philippe Dallons. Le colonel Sack reste prudent: "Nous avions trouvé des liens. Pas de preuves. Je pense que ce fut une décision bureaucratique."
Perplexe, le président Van Parijs s'interroge à son tour: "Vous aviez une vision et une stratégie. Vous cherchiez les exécutants et des liaisons. Mais, si on élimine De Staerke de votre hypothèse, il n'en reste pas grand-chose..."
La démonstration de Termonde renvoie aux amalgames - l'hypothèse mafieuse - déjà développés par le substitut Jean-François Godbille. Par comparaison, il faut admettre que Nivelles avait, en 1985, plus d'éléments à charge des Borains, acquittés à Mons en 1988.
Bron: Le Soir | Mercredi 30 april 1997 | René Haquin