Op RTBF is een 8-delige reeks over de moord op Christine Van Hees te beluisteren » www.rtbf.be
"Le meurtre de la Champignonnière" : 40 ans après la mort de Christine Van Hees, un podcast RTBF explore les pistes de l’enquête
"Le meurtre de la Champignonnière", le titre d’un podcast en huit épisodes. Il raconte les circonstances d’un des crimes les plus mystérieux des années 80, celui du meurtre le 13 février 1984 en fin d’après-midi d’une adolescente de 16 ans, Christine Van Hees, sur le site d’une l’ancienne "champignonnière" d’Auderghem, un lieu à l’époque désaffecté et aujourd’hui remplacé par des immeubles, situés face à l’actuel site universitaire de la VUB. Lorsqu’on découvre à l’écoute du podcast, les circonstances particulières du meurtre de Christine Van Hees, on comprend rapidement l’effroi que ce crime a suscité dans la population les mois qui ont suivi.
Aujourd’hui, les auteurs du crime ne risquent pénalement plus rien. Le dossier judiciaire est prescrit depuis le 13 février 2014. Cette situation a rendu le travail de Matt Graves et son équipe plus simple. Plus de secret de l’instruction à opposer. Ce qui a permis de consulter des documents, de retrouver plus facilement via les réseaux sociaux, les témoins, les anciens de l’école de Christine, les copains de la patinoire du Poséidon, les policiers de l’enquête mais aussi les suspects. Car plusieurs personnes ont été privées de liberté durant des mois lors de la première enquête de 1984, ce qui a laissé des traces inévitablement.
L’interview du réalisateur Matt Graves : "Je veux savoir !"
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à ce "cold-case" désormais prescrit ?
Je passe tout le temps devant l’ancienne Champignonnière. J’habite Auderghem. J’ai appris ce qui s’est passé là-bas et cela m’a toujours intrigué. Et quand je me suis intéressé au sujet, j’ai compris que cette affaire a mobilisé pas mal d’énergie sur le plan judiciaire, qu’il y a eu au fil du temps trois enquêtes. C’est rare ! Surtout quand il n’y a à l’arrivée aucune réponse. Et du côté des "suspects" cela va d’une bande de "punks" à un possible réseau pédocriminel, en passant par une troisième piste vers des bandes urbaines de Bruxelles.
La toile de fond de ce "cold-case" vous intéressait ?
Oui ! Déjà je suis fasciné par les années 80 en Belgique. Cette époque m’intéresse. J’ai déjà travaillé sur un podcast sur les tueries du Brabant et celui-ci se trouve exactement à la même période à peu près, entre les deux vagues des attaques. Et puis j’ai d’abord été fasciné par ce qui se passait à Bruxelles dans les années 80, avec les différents courants musicaux, les bandes urbaines qui se côtoyaient au Centre-ville. J’ignorais que tout cela existait à Bruxelles, les punks, les rockers, des "rock-à-billy", des "Outs", des "Mods", qui avaient tous leurs cafés, leurs bars, leurs clubs de foot favoris et qui se battaient régulièrement les uns contre les autres.
Vous n’étiez pas en Belgique à l’époque mais votre parcours vous a permis de vous connecter rapidement à cette réalité ?
Durant ma jeunesse aux Etats-Unis (Matt Graves est texan), j’étais dans la mouvance "skateborder" et punk rock. J’ai assisté à pas mal de concerts et mon frère était également dans ce milieu. Après mon arrivée à Bruxelles, j’ai joué dans les années 2000 avec plusieurs groupes comme bassiste, notamment dans un groupe de "rock-à-billy". Je connais donc pas mal de monde dans le milieu de la musique bruxelloise. Cela m’a aidé pour la réalisation de ce podcast à obtenir des contacts vers certaines catégories de personnes difficiles à approcher si l’on tend un micro.
Plus facile lorsqu’on connaît les "codes" ?
Oui, pour comprendre ce qu’il faut dire et ne pas dire et surtout pour savoir à qui s’adresser dans le milieu concerné pour être par la suite "bien reçu" chez d’autres personnes. Qui fasse qu’on puisse dire : "celui-là c’est OK" ! Pour moi des portes s’ouvrent, alors que pour un autre ce sera différent.
Vos podcasts précédents ont bien fonctionné aux Etats-Unis, au Canada et en Belgique avec "les tueurs du Brabant". Que faut-il pour réussir un bon podcast ?
Déjà en premier, une histoire intéressante. C’est le plus important. De préférence intrigante. Il faut ensuite que le sujet permette de faire voyager l’auditeur. Et dans le podcast "Le meurtre de la Champignonnière" on a les deux. Ce meurtre est vraiment particulier. Très étonnant ! Pourquoi ? Parce qu’on tue une jeune adolescente de 16 ans à l’allure "normale". Cela pourrait être n’importe quelle autre jeune adolescente. Et le crime ensuite est par lui-même effrayant ! Et lorsqu’on plonge dans le suivi de l’enquête, on découvre le milieu "alternatif" bruxellois des années 80. Il faut imaginer des centaines de personnes auditionnées ! Tous les punks de Bruxelles, tous les skins également, puis d’autres groupes à mesure que le cercle de l’enquête s’élargissait. C’est vraiment un énorme travail. Rien que cela, les caractères différents des gens, comprendre ce qui se passait dans ces milieux, qui faisait quoi, c’est une histoire qui fait voyager !
L’affaire est prescrite sur le plan judiciaire, la résolution de ce "cold-case" n’apportera rien sur le plan pénal. L’intérêt ?
Je serais menteur de dire : "c’est pour la famille" ! Ce qui me motive le plus, c’est une soif de vérité. Je veux savoir ! Parce qu’au départ, lorsque j’ai commencé à étudier ce cold-case, puis décidé de réaliser le podcast "Le meurtre de la Champignonnière", j’ai pas mal parcouru le dossier. Résultat, maintenant je suis mort d’envie de savoir qui a fait cela ! Et ce n’est pas pour la Justice, pour trouver un coupable, c’est juste tout simplement pour la vérité en soi ! Qu’est-ce qui s’est réellement passé le soir du 13 février 1984 ? Une histoire qui tourne mal ? Un meurtre planifié pour empêcher Christine de parler ou de quitter une bande ? Cela m’énerve de ne pas savoir et j’ai vraiment l’envie de trouver ce qui s’est réellement passé.
Lorsqu’on voit les moyens déployés par la Justice jusqu’en 2014. Et l’échec judiciaire. Pensez-vous que cette "soif" de vérité soit encore partagée aujourd’hui ?
Oui je pense qu’il y a pas mal de gens qui partagent cette envie de vérité avec moi. Avec les partenaires qui m’ont aidé dans ce projet, la soif de vérité était numéro un ! C’était même le véritable moteur de cette réalisation. Tous ont travaillé jusqu’à pas d’heures, week-end inclus, pour retrouver des personnes, les contacter, recouper les informations, puis rencontrer différents témoins. Dans cette petite équipe, tous veulent savoir ce qui s’est passé. Plus largement, l’affaire de la "Champignonnière" fait partie des affaires non élucidées comme les tueries du Brabant, et pas mal de gens voudraient des réponses aux questions qui restent posées. Vraiment aller au bout de ces questions ! Et reconnaissons qu’il est difficile de trouver les réponses.
De l’autre côté de l’Atlantique, les pratiques en matière de podcast sont différentes que chez nous. Là-bas faire des enquêtes privées "collaboratives" n’entraîne aucun problème, la volonté est-elle d’importer ce modèle ici ?
Au début, j’étais très sceptique. Lorsqu’aux Etats-Unis, on me parlait de ce type de podcast avant d’avoir écouté certains exemples, je me disais, c’est un peu n’importe quoi. Mais à vrai dire, c’est clair qu’aux Etats-Unis, via les podcasts, il y a au moins une vingtaine de crimes, des "cold-case" qui ont été résolus de cette manière. Et on parle d’affaires "cold" comme "l’Alaska" dirait mon ancien éditeur américain. Et puis à la fin du podcast, avec les auditeurs, ils trouvent la vérité. Tout cela grâce à l’activation du public en relation bien entendu avec les personnes qui entourent le projet.
Quelles sont les limites du podcast "collaboratif" ?
D’abord, quand tu réalises un podcast, tu n’es pas "flic". Ce qui a des avantages mais aussi des désavantages. Pas question par exemple de brandir une carte ou un badge et faire une perquisition. Tu ne peux interpeller personne, ni imposer une audition. Comme réalisateur avec l’équipe, on doit travailler avec des "carottes", avec pas mal d’empathie, aussi du caractère et un peu parfois de danger, il faut le reconnaître, pour essayer de faire parler des gens. En revanche, ces gens ne parlent pas avec un policier ! Nous ne sommes pas là pour les juger ou les envoyer en prison. Et là, c’est le grand avantage ! Cela apparaît dans les exemples américains où l’on voit des cas résolus. Des affaires "oubliées", non résolues et puis autour du podcast, il y a une énergie, une dynamique. Les gens écoutent et ceux qui savent peut-être la vérité ou dispose d’un élément jamais dit à la police se disent "là on est bien après, on ne risque plus rien, il y a moyen de donner un petit coup de pouce à ce producteur de podcast anonyme". Et voilà ! Ils le font ! Ensuite, l’animateur du podcast assure le suivi, creuse l’information et ainsi de suite en boucle jusqu’à finalement favoriser les conditions où un cas peut être résolu grâce à cette dynamique.
Dans le podcast "Le meurtre de la Champignonnière" il y a 8 épisodes, le cadre de production l’avait prévu au départ. À ce stade, vous devez arrêter et ils restent des questions ouvertes. Que pourrait-il se passer par après ?
La question tombe bien, le dernier épisode s’appelle "Et après ?" (rires). Après on va continuer, mais autrement parce que finalement on a commencé à relater les faits, analyser les deux principales pistes de l’enquête pour à la fin, comme on avait tellement soif de vérité et envie d’essayer d’aller plus loin, transformer le projet en une véritable investigation autour d’une équipe de cinq personnes. L’idée est d’engendrer par l’écoute du podcast cette dynamique qui se poursuivra via le réseau social "Facebook" où une page "appel à témoins" existe déjà et permet de poursuivre la recherche. Ceux que l’affaire intéresse peuvent nous y rejoindre, il y a déjà près de 300 personnes inscrites sur la page. Le pari étant que des langues finiront par se délier. Et on poussera évidemment dans cette direction. N’étant ni magistrat, ni policier, ni membre de la famille, on veut juste savoir ! On n’ira pas plus loin.
Que se passera-t-il si une "vérité" se profile ?
Si l’on trouve, j’ai adressé une lettre aux parents de Christine Van Hees le jour où j’ai démarré la réalisation de ce podcast. J’ai compris rapidement qu’ils ne souhaitaient plus être dérangés ce qui doit être respecté. Je n’ai donc pas sollicité de contact. Mais j’ai indiqué que nous voudrions les rencontrer pour les informer si nous trouvons quelque chose qui permet de refermer définitivement cette terrible et triste histoire.
Bron: RTBF | 10 Februari 2024