(...) A la BSR de Bruxelles, les gendarmes ne comprennent plus ce qui se passe et la mauvaise humeur gronde. Le maréchal des logis-chef Maurice Salmon vient en effet de recevoir son ordre de mutation, signé par le général, qui l'envoie «en brigade» parce que c'est «dans l'intérêt du service». Cette mesure administrative (sans appel, hormis devant le Conseil d'Etat) est en fait une sanction prise contre le gendarme Salmon après l'évasion de Murat Kapllan. A la gendarmerie, on appelle cela «faire pull-mann» ou «prendre le train bleu», parce que l'on doit - après des années de service en civil - remettre l'uniforme bleu.

Si la mauvaise humeur gronde au district de Bruxelles, c'est parce que Salmon n'est pas le premier gendarme à faire ainsi l'objet d'une punition déguisée en mesure administrative. C'est aussi parce que l'on comprend mal pourquoi c'est justement cet homme «qui paye». L'enquête judiciaire qui avait été ouverte contre lui (dans le cadre d'une éventuelle complicité avec Kapllan) l'innocente complètement. De plus, c'est justement le maréchal des logis-chef Salmon qui a permis qu'on ré-arrête Kapllan, ce qui lui avait valu de recevoir les félicitations du comandant du groupe territorial du Brabant. Qu'il soit juste ou injuste, c'est en fait le procédé qui choque: pourquoi n'a-t-on pas attendu la fin de l'enquête judiciaire et la fin de l'enquête administrative avant (d'éventuellement) sanctionner cet homme, par une mesure qui cache son nom et qui est sans appel, comme on le faisait à la gendarmerie à une époque qu'on pouvait espérer révolue?

Bron: Le Soir | 9 November 1988