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L'enquête parlementaire sur le banditisme
Les pistes de Termonde et l'ex-gendarme Lekeu
Reprise des auditions, mercredi, à la commission parlementaire d'enquête sur le banditisme et le terrorisme avec les gens de Termonde, le juge d'instruction F. Troch et le substitut W. Acke, deux mois après l'audition inutile du commissaire général de la P.J. Roger Moens qui déclencha le conflit entre le Législatif et le Judiciaire et souleva les questions des compétences des commissions d'enquête au regard de la séparation des pouvoirs. Les réticences du juge Troch ont été compensées par les réponses du substitut Acke sur les pistes actuellement suivies, dont l'une passe par l'ex-gendarme Martial Lekeu parti depuis 1984 aux Etats-Unis.
Sans s'en prendre directement à l'enquête de Nivelles, le juge Troch confirme que le dossier de Tamise (l'attaque meurtrière de la fabrique de gilets pare-balles en septembre 1983), avait été traité par Nivelles d'avril 1984 à septembre 1985 puis était revenu à Termonde sans qu'une seule pièce ait été ajoutée au dossier. De là à dire qu'on n'avait rien fait à Nivelles pendant dix-huit mois dans cette enquête...
Ronquières: c'était voulu... En outre, c'est bien en relisant les procès-verbaux de Nivelles qu'un des enquêteurs du groupe Delta de Termonde apprit qu'on avait vu jeter des sacs dans le plan d'eau de Ronquières, après la tuerie d'Alost en 1985 et que Nivelles s'était borné à n'y faire plonger qu'un seul homme pendant deux heures, sans résultat. Sur base d'informations venant de la bande De Staerke au sujet d'armes dans le canal, Termonde utilisa en novembre 1986 des techniques de plongée allemandes permettant un ratissage large et retrouva ainsi les armes et d'autres objets provenant des tueurs.
"Les pièces d'armement reliaient indubitablement toutes les affaires dites du Brabant. Le commissaire Reyniers vous a dit que nous avions laissé sécher les armes et ainsi perdu l'occasion de relever d'éventuelles empreintes. M. Reyniers sait tout après mais jamais avant. Ces armes étaient restées un an dans l'eau, elles étaient rouillées et pleines de boue. On nous avait dit que les empreintes pouvaient être relevées sur des armes encore mouillées, mais pas sur des armes rouillées. Je n'aime pas la façon qu'a M. Reyniers d'avancer des choses. Il a profité de cela pour se décomplexer devant votre commission parlementaire. Ce n'est pas correct. A propos de ces armes, mon impression est qu'on les a sciemment rassemblées, qu'on a sciemment mis dans le même sac le morceau de gilet pare-balles de Tamise et le baby-coffre de la tuerie d'Alost. Il est possible qu'on ait jeté tout cela pour qu'on le trouve, mais ce n'est pas certain puisque sans la relecture des P.-V. de Nivelles, elles y seraient sans doute encore..."
Le juge refuse de donner son explication des tueries, d'envisager l'hypothèse d'un plan de déstabilisation, celle d'un "cerveau" qui aurait utilisé une ou plusieurs bandes et peut-être De Staerke. Il se borne à dire qu'il a des éléments suffisants dans le dossier d'Alost pour envoyer De Staerke aux assises. Le nom de l'ex-gendarme Lekeu apparaît bien depuis quelques mois dans le dossier de Tamise. Après l'expérience avec Bultot au Paraguay, le juge ne croit plus à l'utilité d'envoyer une commission rogatoire en Floride pour n'obtenir sans doute de Lekeu que la répétition de ses propos publiés dans La Dernière Heure.
Moins avare de précisions, le substitut Acke confirme que le nom de l'ex-gendarme Lekeu est bien apparu il y a quelques mois dans le dossier de Tamise et dit que ce que craignaient les enquêteurs s'est produit: la publication des déclarations de Lekeu complique la suite de l'enquête. M. Acke ajoute que le rapport des gendarmes Bihay et Balfroid, de la B.S.R. de Wavre, sur les connexions éventuelles des tueurs avec des trafiquants internationaux de stupéfiants et d'armes (qui donna lieu à leurs mutations...), et d'autres rapports de Bihay impliquant Lekeu étaient crédibles. Encore des documents passés d'abord par Nivelles...
Comme le juge Troch, il estime que le groupe Delta de Termonde (27 hommes à l'époque, 10 aujourd'hui appartenant à la PJ et à la gendarmerie) s'était soudé par la base et fonctionnait bien mieux que la task force de Bruxelles. Pour le juge Troch, cette task force était un pigeonnier, une cellule paralysée par les gradés, par le syndrome des étoiles et des chevrons. Delta suit donc encore des pistes qui présentent des connexions avec d'autres pistes suivies à Charleroi, avec le dossier Mendez à Nivelles et avec des dossiers instruits à Bruxelles. Patrick Haemers, l'ennemi public n°1, n'est pas au nombre des suspects pour les enquêteurs de Termonde. Mais le substitut Acke refuse d'en dire plus. C'est prématuré, il faut encore entendre de nombreuses personnes, faire des perquisitions puis établir le bilan, dit-il.
Clairement les deux magistrats estiment que tout est à revoir en matière d'expertises, qu'une «banque des armes» serait un outil précieux, que pour les enquêtes compliquées le recours à des «groupes intégrés» (PJ, gendarmerie et polices communales parfois) s'impose. Ceux qui vous disent qu'à leur avis les enquêtes n'aboutiront pas sauf par hasard, tranche encore le juge Troch, ceux-là prononcent la faillite du système. Si l'on n'a pas encore compris...
Freddy Troch, le juge de Termonde en passe d'être aujourd'hui dessaisi, rappelait notamment que son dossier de Tamise, traité à Nivelles d'avril 1984 à septembre 1985, en était revenu sans qu'une seule pièce ait été ajoutée. Que des informations venant de la bande De Staerke, confirmant d'autres informations déjà contenues dans des procès-verbaux de Nivelles, finirent par le conduire à Ronquières où il retrouva des pièces d'armement rassemblées, probablement déposées sciemment, qui reliaient indubitablement toutes les affaires dites du Brabant. Sa cellule d'enquête «Delta» suivait certaines pistes connexes à celles de la cellule de Jumet, connexes à d'autres auxquelles menaient aussi les dossiers Mendez et Haemers, même si ce dernier ne figurait pas en personne dans la liste des suspects du juge. Ceux qui disent qu'à leur avis les enquêtes n'aboutiront jamais, sauf par hasard, prononcent ainsi la faillite du système, concluait-il.
Bron: Le Soir | Rene Haquin | 10 mars 1989
Alain Moussa deux jours en cavale
Pendant la nuit de dimanche, Alain Moussa, 38 ans, l'un des membres de la bande de Philippe De Staerke condamnée à de lourdes peines il y a deux ans à Gand pour une longue série de hold-up, a réussi à scier les barreaux de sa cellule, à l'institut de défense sociale de Tournai. L'homme avait disparu quand les gendarmes et les pompiers sont arrivés pour éclairer le préau où l'on croyait pouvoir le récupérer.
Le tribunal de Termonde avait renvoyé vingt-trois prévenus en correctionnelle, parmi lesquels sept étaient absents, dont l'ancien directeur de prison Jean Bultot, à l'époque déjà installé au Paraguay. Le parquet de Termonde reprochait à la bande une vingtaine d'agressions à main armée ainsi que des vols de voitures (des BMW), de matériel video, d'alcool et de cigarettes.
Philippe De Staerke, considéré comme le chef de la bande, a également été inculpé dans le cadre de la tuerie de novembre 1985 au Delhaize d'Alost. Il y aurait en effet été vu cet après-midi-là, arrivé à bord de la voiture d'Alain Moussa. Mais, devant les maigres indices recueillis contre lui, la chambre du conseil de Termonde avait fini par lever le mandat d'arrêt décerné dans le cadre de ce dossier.
C'est par ailleurs dans le cadre de l'enquête du juge d'instruction Troch sur la bande de Baasrode que le magistrat obtint, en 1986, une petite information sur des armes «chaudes» abandonnées quelque part au fond d'un canal, dans la région de Ronquières. Cette information fut recueillie dans l'entourage de Moussa et d'un coïnculpé, Nicolas Karasilis, et permit, on s'en souvient, la découverte en novembre 1986 des deux sacs contenant les restes des armes utilisées pour les tueries du Brabant.
Après sa condamnation, Alain Moussa avait obtenu d'être interné provisoirement et se trouvait ainsi depuis plusieurs mois à l'hôpital psychiatrique de Tournai. Mais on a appris hier soir que sa cavale avait déjà pris fin: Alain Moussa a été repris hier après-midi dans l'agglomération bruxelloise...
Bron: Rene Haquin | 31 Oktober 1990