André Moyen over Gladio in België:
"Pour moi, Gladio existait déjà en 1948"
André Moyen a aujourd'hui 76 ans... et une carrière de trente ans dans l'espionnage, au service de la Belgique. Parcours classique pour ce James Bond belge à la retraite: un service militaire où il se distingue (par accident, dit-il); prise en charge par l'armée; missions en Allemagne; la guerre; la paix et "l'entrée en religion" avec, au service de "la 2e section" (le futur SGR), le Congo, le Maroc, l'Egypte, Taiwan, Saigon et la Corée.
"Pétant de santé", André Moyen a l'esprit vif, le souvenir précis. Son récit de l'affaire Gladio comme il l'a vécue s'arrête, hélas, au début des années 50 quand cet Ardennais est envoyé à l'autre bout du monde...
"J'ai entendu parler de Gladio à la fin de l'année 1947. Le ministre De Vleeschauwer (Intérieur) m'avait fait appeller avec l'accord de mon patron, le colonel Mampuys. Le ministre m'avait demandé de contacter à Paris quelqu'un que me désignerait Jules Moch, le ministre français de l'Intérieur. Il s'agissait de créer en Belgique quelque chose qui existait ailleurs. Moch m'avait fait recevoir par son chef de cabinet - Boursicot? - qui lui-même m'avait conduit chez Ribières, le patron du SDECE. Ribières et son directeur de cabinet me suggérèrent d'entrer dans une organisation 'qui avait besoin de gens comme moi'. Je ne dis ni oui ni non, pour garder le contact, et on me donna un numéro de téléphone - qui serait modifié tous les mois - où je pourrais contacter l'organisation."
"Mon patron me dit qu'on avait également tenté de le recruter, et qu'il avait refusé. Il me conseilla cependant de garder le contact. Quelques mois plus tard, en 1948-1949, le ministre De Vleeschauwer me suggéra de contacter Mario Scelba, le ministre de l'Intérieur italien, l'un de ses amis. Je fus reçu à Rome comme un prince par Scelba et le général Galli. Ils me présentèrent Gladio. Une formidable organisation de plusieurs milliers d'hommes répartis dans toute l'Italie, chargée, disaient-ils, de la 'lutte antisubversion'. Dans le Sud extrêmement pauvre, le chef de Gladio était un professeur d'université, Gaetano Napolitano. Je me souviens également d'un journaliste free-lance, Franco Fedelli, qui exerçait une grande influence, jusqu'au Vatican."
"A la fin de l'Affaire royale, De Vleeschauwer, dont j'étais devenu un confident, m'a appelé. Cet homme, extrêmement fort, était décomposé. Je crois que la BSR lui avait appris qu'on cherchait à recruter des tueurs pour l'éliminer. Il se disait lâché, même par son parti. Il me demandait, grâce aux gens que j'avais contactés, d'organiser sa fuite."
"J'ai 'remonté' la filière de "Gladio". 'OK, on va vous téléphoner'. Deux ou trois jours plus tard on me recontacta. Suivant le plan qui m'avait été soumis, j'ai alors pris l'ancien ministre De Vleeschauwer, muni de faux papiers, en charge et, avec mon adjoint, je l'ai conduit jusqu'à la frontière française (via Beauraing...). Là, il a été pris en charge par un commissaire des Renseignements généraux (Richard?), puis transféré dans une cache, une maison située en Bretagne."
"Pour moi, 1952 est sans doute le moment officiel de 'l'institutionnalisation' des 'Gladii'. Il y en avait en Espagne - pourquoi n'en parle-t-on pas? -, aux Pays-Bas, en Allemagne (le 'Schwert'), en Suisse, dans tellement de pays! Je ne crois pas que les Américains y furent mêlés. En tout cas pas la CIA; c'était l'OSS à l'époque! Je crois qu'ils sont 'montés dans le train'. Mais selon mes sources, Gladio n'est jamais passé à l'action; c'est toujours resté un réseau dormant. Il a cependant disposé jusqu'à il y a deux mois de six caches d'armes dans le pays (par exemple emmurées dans des casernes)."
"Elles on été démantelées quand on a dissous l'équipe action du SDRA... en même temps que Gladio était dissous en France d'ailleurs. Catena en revanche a participé à de nombreuses actions anticommunistes en Europe. C'est une organisation 'dissidente' née au sein de Gladio au début des années cinquante, à l'initiative de ses membres avides d'action. Des gens que j'ai connus soupçonnaient l'Opus Dei, le Vatican, Otto De Habsbourg, les Coudenhove-Kalergi d'y être mêlés."
Bron: Le Soir | 14 november 1990
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