Un absent bien présent
De la résistance …
Avant guerre, André Moyen avait été envoyé en Allemagne pour y effectuer un travail de renseignement contre les nazis. Découvert en 1939, il rentre au pays où il s’occupe de la surveillance des milieux rexistes. Après l’invasion de notre pays par les allemands, il travaille contre l’occupant et met sur pied un groupe d’intervention spécial, le Service B, chargé entre autre de voler des cartes de rationnement.
Mais dès octobre 1945, dès la fin de la lutte antinazie, il s’attaque aux communistes et à la gauche. Il est en effet un des nombreux résistants de droite voire d’extrême droite qui sont convaincus de l’imminence d’une troisième guerre mondiale déclenchée par les Soviétiques et est persuadé que Moscou parachute régulièrement des armes destinées aux militants du Parti Communiste Belge, la nouvelle cinquième colonne.
Il fonde ainsi deux réseaux d’espionnage politique: l’un est basé en Belgique, "Milpol", et l’autre dans la colonie congolaise, le réseau "Crocodile". Milpol et Crocodile, sous sa direction, recrutent des militants anticommunistes et sont financés par la grande industrie. Les renseignements récoltés par ces réseaux étaient mis au service du Deuxième Bureau, mais aussi de l’industrie privée.
… aux revues anticommunistes
André Moyen travaillait également pour divers journaux de droite ou d’extrême droite sous divers pseudonymes. Le premier, "Vrai", était un journal léopoldiste dans lequel on allait retrouver Paul Vanden Boeynants et Jo Gérard. Le second, "Septembre", était dirigé par d’anciens militants de la Légion Nationale, un groupe qui avait guerre était marqué par un fort courant antiparlementaire et qui avait des sympathies plus ou moins affichées pour le régime fasciste de Mussolini. Pendant la guerre, ses sympathisants de l’Ordre Nouveau se retrouvèrent dans la résistance, plus contre les nazis que contre l’occupant.
Ce qui fut le cas d’un certain nombre de résistants. Ce qui explique le rapprochement, dès la fin des hostilités, entre eux et d’anciens collaborateurs, par exemple au sein de la "Jeunesse Fidèle au Roi".
Troisième revue dans laquelle Moyen publiait les renseignements recueillis par ses réseaux: "Europe-Amérique" qui allait se transformer quelques années plus tard en … "Europe Magazine". Dans ce journal, André Moyen allait par exemple utiliser des documents volés à une militante communiste, Frederika Stern. Il visait à déstabiliser le PCB. Pour ce vol, Moyen fit appel aux services "d’Adolphe", un militant anti-communiste de la région de Halle.
Ce n’était pas la première fois que Moyen faisait appel à celui-ci. Or il se fait que Moyen était au courant que quelques temps auparavant, "Adolphe" et son groupe avaient assassiné le député communiste Julien Lahaut, en utilisant la même voiture, une Vanguard, que celle qu’ils employèrent pour attaquer Frederika Stern. Malgré sa désapprobation du meurtre de Lahaut, Moyen n’hésita donc pas à utiliser ces nervis.
La Sûreté, déjà
Mais un autre article de Moyen, paru celui-ci dans "Septembre" nous laisse, dans le contexte actuel, assez perplexe. et nous citons ici in extenso le passage du livre dans lequel nous avons récolté ces informations sur André Moyen. Sous le titre "Pour ou contre la Sûreté de l’Etat", André Moyen répondait "à divers articles parus entre autres dans Le Drapeau Rouge dans lesquels in était affirmé que la Sûreté de l’Etat était "à droite" et devrait être l’objet d’une épuration.
Moyen estimait effectivement que la Sûreté de l’Etat devait être épurée mais parce qu’elle était trop "à gauche", le chef de la Sûreté de l’Etat étant " de gauche" si pas "d’extrême gauche" (il s’agissait du magistrat Pol Bihin qui avait la réputation d’être socialiste). Et, toujours selon Moyen, cela se remarquait: les journaux de gauche n’étaient jamais sérieusement inquiétés, alors que des perquisitions étaient régulièrement effectuées au domicile des rédacteurs de Septembre. Rien n’étaient entrepris contre les "conspirateurs du Congrès Wallon", qui injuriait la dynastie ni contre les communistes qui possédaient des armes.
Et Moyen de conclure: la Sûreté de l’Etat est une institution provisoire qui doit disparaître aussitôt que l’état de guerre sera suspendu. Il appartiendra alors aux officiers de la police judiciaire de combattre la subversion intérieure et à la Deuxième Direction de veiller à la sécurité éxtérieure de l’Etat. L’article de Moyen était donc un plaidoyer pour la suspension à court terme de la Sûreté de l’Etat".
Ce bon vieil Otto
Toujours dans le cadre de ses activités de renseignements politiques, André Moyen parcourait l’Europe dans la foulée de gens comme Marcel De Roover et du Colonel Keyaerts. Ces derniers travaillaient dans le réseaux qui allaient donner naissance à la World Anti-Communist League (WACL), ou au CEDI, des organisations liées à Otte de Habsbourg et où l’on retrouvera bon nombre de membre influents du CEPIC, dont le baron Benoît de Bonvoisin.
André Moyen finit sa carrière dans la société Securitas. Il formait le personnel de la firme de sécurité. C’est au Caire qu’il avait été engagé par le patron suédois de la firme qui souhaitait sans doute pouvoir compter, dès le départ, sur un personnel hautement qualifié. Securitas était, au début des années 80, en relation avec une autre firme, Promotion et Distribution Générale, mieux connu sous le nom de PDG.
Dirigée par Jean-Marie Detournay, PDG a entre autres fourni ses services à Securitas pour des recherches de personnel de cadre. A l’heure actuelle, PDG est en faillite, et son directeur inculpé. L’affaire est toujours à l’instruction et devrait bientôt être inscrite au rôle, sans quoi la prescription devrai s’appliquer. Dans son numéro 12. Celsius révélait que des documents trouvés dans la comptabilité de PDG montraient la présence du baron de Bonvoisin dans la société.
PDG rendait des services à diverses associations dans lesquelles on retrouve ce même baron, comme le CEPIC, le CEDES ou le MAUE (la branche belge du mouvement européen d’Otto de Habsbourg). Il éditait un quotidien anticommuniste "Inforep" lié à un service privé de renseignements PIO, né au sein du Ministère de la Défense Nationale et qui s’en était détaché en emmenant les dossiers constitués dans ces cartons. L’histoire ne se répète jamais. Mais il est des coïncidences - les mauvaises langues diraient des bégaiements - qu’il vaut mieux connaître.
Bron: Combat | Philippe Brewaeys | 12 december 1988
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