Deuxième semaine du méga-procès aux assises du Brabant: un juge d'instruction éclairant
Bouhouche et Beijer face au vol d'armes chez Juan Mendez
En justice, comme en morale, il faut laisser aux événements un temps de la décantation. Le mot «décanté» se trouvait dans le tout début de la première déposition du conseiller Luc Hennart, juge d'instruction qui a mené la barque de cette enquête sur les agissements criminels imputés à Madani Bouhouche, Robert Beijer et deux servants. En cette deuxième semaine du procès, on n'en n'est encore qu'à l'examen du vol d'armes commis chez l'infortuné Juan Mendez quelques mois avant son assassinat.
- Quand j'ai repris le dossier, dit M. Hennart, les prédécesseurs avaient fait un travail considérable, mais la situation n'était pas décantée.
Une déposition de haute tenue d'un magistrat qui ne rougit pas d'avoir oublié une date sans signification, mais qui a retenu l'essentiel.
M. Hennart explique avec minutie le parcours d'un certain nombre d'armes volées dans la villa de Mendez à Overijse, le 15 mai 1985. Trois filières, dont l'une rase les murs d'un garage qui appartenait au dossier de l'affaire Haemers. Ce sont les enquêteurs du dossiers Haemers qui signaleront la présence, dans la fameuse cache du box Apollon, d'une arme volée chez Mendez. La promiscuité des dossiers s'arrête là.
Pour M. Hennart, Beijer a fait le pont entre Bouhouche et un certain Lenders qui écoulait ces armes. Parce que dans l'esprit des enquêteurs et de l'accusation, c'est bien Madani Bouhouche qui est le voleur des armes.
On sait la riposte de Bouhouche: les armes volées chez Mendez et qui sont passées par ses mains font partie d'un lot que Mendez aurait ajouté à la liste des biens volés pour gonfler la facture des assurances. L'audience de ce lundi a permis d'y voir beaucoup plus clair, grâce à une conduite très intelligente de l'instruction. En effet, il n'est pas à exclure que tous aient dit vrai, mais dans une mesure relative.
Oui, Mendez a gonflé la liste des objets volés par l'adjonction, par exemple, de bijoux dont Mme Mendez elle même a reconnu, dans ses déclarations à l'officier de PJ Jean-Pierre Doraene, que c'était un vol-bidon. Mais Madani Bouhouche, familier des Mendez, n'a-t-il pas à son tour profité de cette escroquerie avouée pour ajouter sur la liste quelques armes... qui avaient, elles, été réellement volées le 15 mai 1985? C'est, bien entendu, à l'avocat général d'en apporter la preuve.
Audience excellente par l'éclairage qu'elle a fourni sur l'ensemble du dossier. Tous ces faits se passent en une période assez pénible pour la justice, les gendarmes de la BSR et les officiers de la police judiciaire se regardant comme chiens de faïence. Anciens gendarmes eux-mêmes, et connaissant parfaitement les faiblesses du système, Bouhouche et Beijer ont tous les deux habillement exploité ces divergences, allant donner une information aux uns, puis aux autres, selon les nécessités de leur défense. Et dès l'examen de ce premier dossier de vol, qui est comme une répétition générale pour les gros dossiers de meurtre ou d'assassinat, ces faiblesses insignes dans l'organisation de nos polices se trouvent exploitées avec l'art consommé de deux joueurs d'échecs.
Il y a toujours une part de vérité dans ce qui se dit ici à l'audience. Mais de là à lier le vol des armes chez Mendez à la recherche d'un sombre dossier sur un trafic d'armes entre la FN et l'Amérique du Sud ou le Zaïre, il y a un raccourci que la défense ne pourra pas se contenter d'effleurer. Et pour l'instant, l'avantage reste dans le camp de l'accusation.
Tant l'inspecteur Doraene que le juge Hennart ont fait impression par leurs répliques précises aux flèches décochées par la défense. Mardi, on attend l'adjudant Goffinon. Le patron de l'enquête chez les gendarmes. Un point-clé dans ce procès.
Bron: Le Soir | Guido Van Damme | 13 september 1994
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