Vol de bijoux à Bruxelles, arrestations hatives à Liège. Chasse aux primes? La Justice dans un sale linge.
Vol suspect, provocation policière pour faire tomber un receleur et faire payer la prime. La défense en appelle à la cour.
L'affaire plaidée hier devant M. Drion, de la 4e chambre d'appel de Liège, en rappelle de semblables, comme l'achat chez Ambach de diamants prétendument volés à Anvers en 1978. Celle-ci date de 1985 et sent aussi mauvais: le tribunal de Namur a récemment prononcé trois acquittements dans ce dossier de recel de bijoux qui transpire la provocation policière, même si ici le premier prévenu, Neisen, tient du gibier qu'un juge n'acquitte qu'à regret. D'où l'appel interjeté par le parquet après les acquittements de Namur.
D'abord, le recel n'existe que s'il y a eu vol, c'est connu. En est-ce un, ce vol-minute de la voiture d'un diamantaire, le 6 mai 1985, à 12 h 30, rue Borgval, près de la Bourse, à Bruxelles, et retrouvée dès 13 heures, alarme hurlante, à cinquante mètres de là, rue Saint-Géry? Le coffre est vide: une mallette pleine de bijoux (valeur: 20 millions) a disparu. Aucune trace d'effraction. L'enquête policière se borne à un simple constat.
Un bon mois plus tard, la PJ de Liège arrête trois receleurs (dont Neisen) venus vendre une partie du butin (pour 9 millions) à un bijoutier liégeois. Neisen donne d'abord une version fantaisiste, puis s'explique; les deux autres reconnaissent aussitôt les faits.
L'affaire serait limpide sans la contre-enquête de la défense, qui brandit un "procès-verbal initial" de la PJ de Liège, daté du jour des arrestations (le 17 juin 1985, à 17 heures), et crie à la provocation:Comment à cette heure-là la PJ de Liège pouvait-elle avoir appris par le commissaire Peyfer, de la PJ de Namur, que Neisen allait partir à 19 heures de Namur pour Liège avec les bijoux? Impossible, sauf si l'on apprend ensuite (par une correspondance photocopiée dans de curieuses conditions) qu'un indicateur du commissaire Peyfer, Guy Jadot, parent de l'amie de Leisen, avait passé l'après-midi chez sa cousine Antigone pour parler de bijoux avec Neisen, s'était absenté pendant une heure pour revenir, à 18 h 30, avec les bijoux.
Me Pierre Delieu relève aussi que Jadot a volé et photocopié la correspondance de Neisen à Antigone pour la remettre au commissaire Peyfer, que le commissaire a exercé des pressions sur des témoins et qu'une plainte à ce sujet est restée sans suite, que la PJ de Liège ne pouvait pas avoir eu d'autre indic que Jadot pour remonter à Neisen, que Jadot travaillait pour la PJ de Namur et pour le commissaire Dewachter du BIC (l'administration de l'information criminelle), commissaire qui rédigea sur l'affaire un "vrai faux rapport" transmis par l'administrateur du service à la PJ de Liège au lendemain des arrestations... alors qu'il était supposé en être à l'origine. Que la PJ de Liège a présenté ce rapport comme vrai. Que Dewachter était bien à Liège le jour des arrestations, même s'il est venu dire le contraire à la barre des témoins. Ça fait beaucoup...
Nous n'avons pas la preuve qu'à Bruxelles le vol des bijoux n'ait pas été simulé. Le vrai faux rapport de Dewachter n'a été établi que pour escroquer au BIC la prime que la PJ de Liège n'était pas en mesure de payer, affirme Me Delieu. Ce faux rapport ne prouve même pas l'absence de la provocation. Trop d'éléments désignent Jadot comme le provocateur. Le parquet commet une infraction en utilisant un faux, établi par des fonctionnaires, une faute passible d'une peine criminelle, plus grave que celle qui est reprochée aux prévenus.
Me Robert Collignon, autre défenseur de Neisen, Mes Carton et Corbusier, pour les deux autres prévenus, abondent dans le même sens. Ne subsistent guère, des arguments de l'accusation développés contre Neisen par l'avocat général Mme Tilly, que le fait que Neisen se soit approprié quelques bijoux. Volés le jour de la transaction pendant que l'autre était aux toilettes, a précisé le premier prévenu. Arrêt le 14 mai.
Bron: Le Soir (René Haquin) | 17 april 1991