Quinze ans, trois ans et trois mois pour les voleurs a la gachette facile
Il a fallu près de huit heures au jury des assises de Liège pour se prononcer sur le sort de trois truands carolorégiens. Eric Saquet et Jean-Claude Vits ont été condamnés à 15 ans de travaux forcés, Pietro Messina à 3 ans avec un sursis de 5 ans (il est donc libre) et Alain Peeters à 3 mois de prison. Saquet seul a été jugé coupable du hold-up de Luttre mais il a été acquitté de tentative de meurtre sur deux gendarmes de Waremme et un bijoutier de Malonne où n'a été retenu que le vol avec violence. Quant à la fusillade sur deux gendarmes à Francorchamps le 2 juin 1986, les jurés ont été plus nuancés: Saquet est coupable de tentative de meurtre sur les deux, Vits sur l'un d'eux et Messina est acquitté. Quant à l'évasion de la prison de Verviers, Vits et Peeters ont été acquittés des menaces de mort sur les trois gardiens.
Le procédé est connu: les dénégations énergiques ont, dans la plupart des cas, l'effet d'ébranler la conviction des honnêtes gens parce que ces derniers sont justement scrupuleux. Un autre procédé courant en matière de défense criminelle consiste à ébranler les juges non professionnels en contestant qu'on peut être juridiquement le coauteur d'actes qu'on n'a pas soi-même physiquement accomplis.
Dans le procès des truands carolorégiens, un accusé a prétendu n'avoir pas voulu tuer un gendarme à Waremme alors qu'il a tiré sur lui quatre balles de 12 mm sans parler de deux autres balles tirées sur le collègue de ce premier gendarme; un autre accusé a cru s'en tirer parce qu'il n'a pas, au cours de la même scène, pressé la détente de sa propre arme et le troisième en affirmant n'avoir été qu'un spectateur! C'était prendre les jurés pour les naïfs qu'ils ne sont pas.
Le procès, d'ailleurs, aurait pu ne pas avoir lieu si on avait suivi Jean-Claude Vits qui serait, selon le parquet d'Anvers, compromis dans l'assassinat le 13 avril 1988 de deux diamantaires anversois; la cour de Liège a refusé de discuter d'une affaire postérieure aux faits reprochés ici à Vits qui ira donc répondre de ces faits extrêmes devant un jury flamand.
Auteurs de vols de voitures, de vols de sacs à main, auteurs d'attaques à main armée les accusés n'avaient pourtant pas connu, a exposé l'expert psychiatre, une enfance défavorisée. C'est l'avidité sans frein, l'impression fallacieuse de réussite facile qui les ont conduits sur le chemin de l'escalade dans la délinquance. Une délinquance grave.
La mémoire
En février 1986, les accusés Saquet et Vits attaquent un camion et enlèvent son chargement de cigarettes d'une valeur de 21 millions de francs - ils sont en aveux. Au procès, ils se souviennent que leur coaccusé Messina les accompagnait ce jour-là (ce qu'ils avaient caché jusqu'à présent). Pourquoi ce souvenir? "Parce que Messina n'a pas fait ce qu'on attendait de lui depuis sa libération." Bref, la loi du milieu affirmée effrontément en parallèle à la loi.
Le 13 mai 1986, Saquet dit "le fou" commet un hold-up dans une bijouterie de Malonne. Il tire sur le bijoutier, sa balle frôle le cou de la victime de quelques millimètres; au procès, Saquet, tout à coup, accuse Vits et Messina d'avoir été ses acolytes dans cette attaque partiellement manquée; Vits opine du bonnet, il y était. Messina nie.
Le 2 juin 1986, dans un chemin proche du virage de Blanchimont du circuit de Francorchamps, le même Saquet, tire six balles de son revolver 357 Magnum sur deux gendarmes qui veulent contrôler ses papiers; à l'en croire il n'a pas voulu tuer! Vits, lui, se flatte de n'avoir pas fait feu et Messina se présente comme spectateur "passif".
Aucun mal volontaire
Saquet encore et toujours est accusé du hold-up du 6 février 1986 à la poste de Luttre et, ici, il ne désigne personne comme co-accusé. Voilà pour le plus grave. On passe sur les vols, l'arme au poing de Porsche 911 cabriolet, Mercedes 420 ou 280 et de sacs à main.
Pour le surplus, il a fallu apprécier les faits ayant entouré l'évasion réussie de Vits et d'un certain Peeters de Malmedy de la prison de Verviers, au mois de mars 1988. Bien entendu, les deux hommes racontent l'affaire à leur manière: ils n'ont pas voulu faire de mal aux surveillants. Est-ce leur faute si ces derniers ont les nerfs fragiles?
Dans l'entourage des accusés c'est la quasi-consternation: personne ne les jugeait autrement que gentils et dévoués. L'expert psychiatre est plus circonspect: ce sont des impulsifs, ils se sont encouragés mutuellement, ils refusent de critiquer leurs propres actes; Saquet est très dangereux, Vits est un antisocial narcissique, Messina ne convainc pas l'expert quand il dit n'avoir jamais été qu'un spectateur.
A la défense, on a admis qu'au moins un des accusés (Saquet) a pris "beaucoup trop largement le risque de tuer", mais Vits s'est "désisté volontairement" du tir sur les gendarmes et Messina n'a fait qu'assister aux scènes.
Bron: Le Soir | Michel Hubin | 16 décembre 1989
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