Artikel over de getuigenverklaring van Jean-Marie Schlicker voor de Eerste Bendecommissie:
Commission d'enquête sur le banditisme et le terrorisme - Schlicker parle de harcèlements et de surcharge, pas de pressions
On attendait avec intérêt la réaudition du juge Jean-Marie Schlicker,- mardi à la commission d'enquête sur le banditisme et le terrorisme. Le 8 décembre, le juge de Nivelles avait refusé d'en dire plus sur d'éventuelles pressions subies, se fondant sur une lettre du premier président de la cour d'appel M. Slachmuylders, ce qui fit naître un conflit entre le Législatif et le Judiciaire, réglé depuis grâce à l'arbitrage du ministre de la Justice.
Evoquant mardi le décès de Paul Latinus en avril 1984, le juge dit que rien dans son dossier n'accréditait la thèse du suicide et que sur ce sujet il ne cessa de s'opposer au procureur du Roi. La juge dit avoir été talonné par le parquet, pressé de clôturer d'urgence son dossier en 1986 pour qu'il soit joint à celui du double assassinat de la rue de la Pastorale jugé aux assises du Brabant en 1987. Mais de pressions à proprement parler, non.
Le juge Schlicker est l'homme des interventions en dents de scie. On lui doit les révélations fracassantes qui firent capoter le premier procès des Borains à Mons, en janvier 1988, après la découverte du pistolet à la bolognaise qui pouvait établir un lien entre les inculpés de l'affaire Mendez et les tueries. Puis les experts nuancèrent leur avis et l'on n'entendit plus le juge Schlicker, malade, au deuxième procès des Borains. En décembre 1988, devant la commission d'enquête, il avait laissé aux députés le sentiment d'avoir été mis sous pressions dans son enquête sur la mort de Latinus. Aujourd'hui il calibre ses mots, parle de talonnements de la part du Parquet et laisse la commission sur sa faim.
Pourquoi, si rien, ni les témoignages, ni les constatations matérielles, ne confortaient la thèse du suicide du chef du WNP, pourquoi a-t-il cédé aux insistances du parquet et a-t-il clôturé son instruction? Pourquoi n'a-t-il élevé aucune protestation après le non-lieu prononcé par la chambre du conseil de Nivelles en décembre 1986, en son absence et à l'encontre de son intime conviction?
Son explication est hésitante:
J"'étais surchargé. Je découvrais à Nivelles un procureur à forte personnalité, entouré de substituts qui n'osaient pas prendre de décision sans en référer au procureur. Avec la pendaison de Latinus, je découvrais cet homme qui fut informateur de la Sûreté, de la BSR, de la PJ, qui travailla pour un mystérieux journaliste arabe dont la voiture avait servi à l'attentat contre le major Vernaillen. Je découvrais le WNP, les militants convaincus de travailler avec la Sûreté. Je découvrais un climat de rumeurs, mais rien pour accréditer la thèse du suicide."
"Le procureur M. Deprêtre a même dit à deux de ses substituts que je m'acharnais sur les pistes d'extrême droite parce que j'étais d'origine juive. Fin juin 1986, le procureur m'a demandé d'exécuter trois devoirs et m'a montré une lettre du parquet général justifiant le suicide érotique de Latinus en se basant sur l'exemple de la mort du prince de Condé. Les conclusions des rapports furent négatives mais en octobre 1986, le procureur est revenu à la charge, me demandant de clôturer."
"Il fallait d'urgence que le dossier arrive à Bruxelles pour être joint au dossier du double assassinat de la rue de la Pastorale. Un inculpé, dans cette affaire, disait avoir avoué sur ordre de Latinus. Mon dossier apportait un éclairage particulier. Je pensais que le parquet aurait pu remettre le dossier à l'instruction après le procès de la Pastorale, puisque j'ai entendu l'avocat général M. Jaspar dire que ce n'était peut-être pas un suicide, mais un meurtre."
La pointe de l'iceberg
Le député PS Eerdekens, après les questions de MM. Bourgeois, Laurent et Mottard, demande: Mais qu'est-ce qui peut faire courir M. Deprêtre dans cette direction?
Le juge Schlicker reparle du rôle de la Sûreté autour des militants du Westland New Post, des deux feuillets d'appréciations de Latinus sur les agents de la Sûreté, des déclarations sur la disparition d'autres dossiers de Latinus (l'affaire Pinon, un dossier Distrigaz, ...), des relations intimes entre le commissaire Smets de la Sûreté et l'ex-Mme Pinon, d'un contact qu'avait eu M. Pinon avec une ancienne amie de Bultot dont on parlait dans les dossiers des tueries, de l'aide apportée à l'auteur du meurtre du café La Rotonde à Laeken en 1981 pour fuir impunément la Belgique (Jean-Marie Paul est au Paraguay), du rôle d'un responsable du CEPIC de la région de Charleroi connu comme informateur de la Sûreté. Puis il répond à M. Eerdekens:
Le procureur avait difficile à pouvoir admettre que des agents de corps constitués pouvaient commettre des erreurs. Je ne peux pas dire que Latinus a été exécuté par des agents d'un corps constitué. Mais un ancien de la Sûreté m'avait déclaré qu'à la Sûreté on avait voulu créer une cellule pour faire les crasses du service.
M. Schlicker précise n'avoir jamais vu le commissaire de la Sûreté M. Smets, à la descente chez Latinus au lendemain de sa mort (un député avait posé la question à la dernière séance). Il dit aussi n'avoir pas interrogé l'énigmatique journaliste arabe Faez Al Ajjaz parce qu'on lui avait dit que Faez avait un passeport diplomatique. Si le juge avait vérifié, il aurait constaté l'inverse et aurait pu interroger le journaliste arabe.
Le président Bourgeois résume le problème: si, outre la thèse du suicide avancée par le procureur, le juge avait aussi plaidé la thèse inverse en chambre du conseil, il n'y aurait pas eu de non-lieu. Le député Laurent demande au juge Schlicker s'il a aujourd'hui un regret. Non, répond-il en substance, ce dossier ne me concerne plus. Même pas l'impression d'avoir pu faire preuve de plus de personnalité? insiste M. Laurent. Peut-être, oui, admet le juge Schlicker.
Coups de téléphone au ministère...
M. Mottard lui demande s'il a été empêché d'enquêter davantage, d'aller plus loin. Le juge Schlicker rappelle qu'il était en charge aussi des dossiers Mendez et des affaires du Brabant, que l'hypothèse d'enquête de l'adjudant Goffinon était que l'affaire Mendez livrerait la clé des tueries, que la PJ de Nivelles faisait rapport d'abord au procureur du résultat des devoirs effectués:
J'ai passé beaucoup de temps à essayer de faire collaborer la BSR et la PJ. On était en train de découvrir d'autres choses dans d'autres dossiers, dit-il. Je me suis demandé si le WNP n'était pas la pointe d'un iceberg, s'il existait peut-être une autre partie invisible qu'on voyait apparaître dans d'autres dossiers. Nous avions des pistes plus spécifiques sur les agences de sécurité, les cercles de tir et le banditisme classique. J'ai estimé devoir donner au premier procès des Borains le fait nouveau que constituait la découverte du pistolet à la bolognaise dans l'affaire Mendez. Puis les experts se sont rétractés. Un des inculpés (l'ex-gendarme Beijer) accusait la Sûreté. Le procureur Deprêtre voulait connaître immédiatement le résultat de mes devoirs d'enquête et a pris la reponsabilité de les téléphoner au ministère de la Justice.
Dans la salle, l'ancien secrétaire d'Etat à l'époque à la Justice Georges Mundeleer écoute la déposition du juge.
M. Schlicker, réinterrogé sur l'expertise balistique allemande du Ruger de Michel Cocu, qu'il garda dans son tiroir pendant des mois et lui valut d'être dessaisi du dossier des Borains, reconnaît avoir demandé à son greffier de le garder en attendant une meilleure traduction du rapport. Il avait demandé à l'expert Dery de lui trouver un traducteur également spécialiste en balistique. Le juge affirme n'avoir jamais voulu cacher ce rapport (favorable à Cocu) et dégage la responsabilité de M. Deprêtre dans cette affaire: Si le procureur en connaissait l'existence, il ne m'a jamais dit de ne pas le déposer, dit-il aujourd'hui.
Les tuyaux du BIC
Suit le déposition de M. Vanneste, qui fait part des travaux du conseil national pour la prévention de la criminalité, qu'il préside. Puis la commission entend un agent de la défunte administration de l'information criminelle (BIC) sur la fiabilité de certaines informations explosives qui ne semblent guère avoir eu de suites sur le plan judiciaire.
M. Jan De Wachter dit avoir fait rapport sur des confidences qu'un de ses informateurs tenait d'un certain Asterix (nom de code de Ertrijckx, l'ancien garde de corps de Plastic Bertrans abattu en janvier 1985 sur le parking du shopping d'Anderlecht) selon lequel le chef des tueurs du Brabant serait un certain Dany, pouvant correspondre au signalement de Madani Bouhouche. Puis il apprit par un autre informateur de la PJ, du nom de Montel (abattu à la mi-1985), qu'un dossier de fraude fiscale avait été dérobé au palais, contre paiement de cinq millions de francs. Certaines informations venant de Montel recoupaient celles d'Asterix. Enfin il parle du tuyau obtenu en mai 1985 sur un projet d'attentat au palais de Justice de Liège, lors de la réunion annuelle des juges d'instruction (ce type de réunion n'existe pas, mais le barreau se réunit annuellement au palais). On sait que l'attentat du palais de Liège date du 6 décembre 1985.
De Wachter ignore quelles suites ont été données à ses rapports. Il parle aussi du vol d'un de ses dossiers relatif à Bouhouche, disparu de son bureau au début janvier, probablement dérobé par quelqu'un du BIC, car il n'y eut pas d'effraction.
Les ennuis du BIC et finalement la suppression du service viennent, pour De Wachter, principalement de la mauvaise structure de ce service dirigé par des non-policiers. Mais plusieurs députés lui demandent si les ennuis du service n'ont pas plutôt découlé de la corruption de ce service éclaboussé pendant ses dix-huit ans d'existence par nombre de scandales.
Prochaine séance ce matin, avec l'audition de l'ancien procureur général de Bruxelles M. Van Honsté.
Bron: Le Soir | René Haquin | 17 Mei 1989
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