V.D.B. - Haemers: la police tente d'y voir clair
Les interrogations, l'inquiétude, le scepticisme, la méfiance, l'incrédulité, ne cessent de planer - dans le public comme dans les milieux judiciaires - depuis la révélation des découvertes policières faites à Uccle ces derniers jours.
Avec ces «progrès d'enquête», tout semble s'enchaîner, s'emboîter: les tueries du Brabant, l'«affaire Mendez», les attaques contre Securitas, les hold-up meurtriers contre un fourgon des postes (à Verviers) et un fourgon de la G.M.I.C. (à Grand-Bigard), et même l'enlèvement de Paul Vanden Boeynants. Tout paraît s'articuler autour de la personnalité du truand Patrick Haemers. Trop simple, trop évident pour être vrai? Des amalgames trop faciles pour être honnêtes? Peut-être. En tout cas, les autorités judiciaires prêchent la prudence à propos de «ce» dossier gigantesque... tout en prenant conscience de l'importance des éléments matériels qu'ils viennent de trouver.
Comme nous l'annoncions dans nos précédentes éditions, une «table ronde au sommet» a rassemblé, jeudi, une dizaine de magistrats au moins «potentiellement concernés» par les armes, les empreintes, les explosifs, la voiture, les papiers saisis dans un appartement et un box pour voitures, à Uccle.
Les juges Hennart (affaire Mendez), Vlogaert (Grand-Bigard), Decoux (évasion de Haemers), Colin (hold-up commis par Haemers), Bulthé (un hold-up à Strombeek) et Pignolet (l'attaque d'un fourgon Brinks à Etterbeek) ont rencontré à cette occasion les substituts Van Lysebeth et Van Haecke (tous deux de Bruxelles), Van Lierde (de Nivelles) et De Smet (de Louvain). Une absence remarquée à cette table, celle du «magistrat national» Vandoren (en charge entre autres du dossier V.D.B.)... que le substitut Van Lysebeth explique par le fait que «pour l'instant, rien de concret dans les découvertes faites à Uccle ne crée un lien direct et indiscutable avec l'affaire de l'enlèvement de M. Vanden Boeynants».
Le but de cette «table ronde» était de coordonner le travail des policiers et des gendarmes chargés de toutes ces enquêtes... mais aucune décision révolutionnaire ne fut prise à cette réunion. «Ce n'est pas à nous de prendre une décision de regroupement des dossiers par exemple. Chaque juge est concerné par son dossier et plusieurs parquets sont intéressés par cette affaire», faisait remarquer, hier, le substitut Van Lysebeth. De fait, on a appris hier, officieusement, que c'est au parquet général de Bruxelles qu'on veillerait à harmoniser le travail de tous ces magistrats et de tous ces enquêteurs. C'est désormais l'avocat général Jacques De Lentdecker - chargé du grand banditisme - qui «chapeautera» ces enquêtes. Il semble, d'autre part, que bon nombre des différents dossiers concernant directement Haemers seront confiés à un seul juge d'instruction, le nom de M. Colin étant le plus fréquemment cité.
«Ne nous emballons pas...»
A propos de l'enquête elle-même, le parquet de Bruxelles a, hier matin, fait le point sur les découvertes faites ces derniers jours à Uccle. Le message du substitut Van Lysebeth est clair: «Ne nous emballons pas, gardons la tête froide...» Si le parquet a confirmé l'essentiel des informations parues le matin dans la presse, il a tenu à les relativiser. Ainsi, dit le magistrat, aucun lien n'est fermement établi entre les dossiers d'Uccle et l'enlèvement de V.D.B., mais M. Van Lysebeth se refuse à infirmer ou confirmer toute découverte faite à Uccle qui serait en relation éventuelle avec l'enlèvement!
«Aucun lien» donc... hormis les francs suisses découverts sur «Tosca», le lieutenant de Haemers, arrêté à Metz. Aucun lien hormis les vieilles coupures de presse concernant toutes V.D.B. et sa «fortune», retrouvées dans le flat de la drève des Renards où se cachait Haemers. Aucun lien hormis les plaques apposées sur une BMW garée dans le box (volée à Dworp) sur laquelle on avait apposé une copie des plaques attribuées à la Golf de Mme Vanden Boeynants.
De «Tosca», le procureur dit: «à ma connaissance, il n'a pas avoué l'attaque d'un fourgon de la GMIC à Grand-Bigard». Selon nos informations - confirmées à très bonnes sources en France - «Tosca» a «fait des confidences hors interrogatoire et non actées sur procès-verbal» à ses enquêteurs, leur expliquant sa participation au hold-up et celle de ses complices.
D'autres détails
Par ailleurs, on a appris hier d'autres détails sur les découvertes faites à Uccle. Il y avait, dans le box de la chaussée d'Alsemberg, une crosse de revolver, une lunette de visée, seize armes de poing (revolvers et pistolets) dont les numéros d'identification était limés. Mais il y avait surtout deux armes d'épaule, un FAL et un FNC (les deux armes volées à Mendez)... dont les numéros n'étaient pas limés! Une de ces armes portait encore une trace de sang laissant penser que son utilisateur avait été blessé.
Dans un coin du box, on a encore trouvé une malle contenant des sacs, des cagoules, des gants... et des masques de carnaval (comme ceux que portaient les tueurs du Brabant). Dans un autre coin du box: environ 1,5 kg d'explosifs et du matériel accompagnant ces explosifs.
En voilà assez pour faire fonctionner les imaginations et susciter l'inquiétude, l'étonnement et parfois l'incrédulité des enquêteurs qui se «méfient des amalgames».
Bron: Le Soir | 18 februari 1989