Beijer: armes et explosifs à l'analyse
Le "butin" déterré dans un bois de Sart-Dames-Avelines correspond aux révélations faites par Beijer. L'enquête reprend, en même temps que le procès continue.
L'impressionnant butin déterré vendredi soir sur les indications données par Robert Beijer, qui, ce jour-là, a guidé les enquêteurs vers deux caches d'armes trouvées dans une vaste propriété privée de Sart-Dames-Avelines, est actuellement examiné par la laboratoire de la police scientifique et le service de déminage de l'armée, et n'a sans doute rien à voir ni avec les tueries du Brabant, ni avec l'assassinat en 1950 du député communiste Julien Lahaut, comme certains l'avançaient imprudemment hier.
Au procès qui se poursuit aux assises du Brabant, le commissaire de PJ de Bruxelles Philippe Benneux, qui dirigeait les recherches vendredi, a fait l'inventaire des armes, munitions, crosses, explosifs, détonateurs électriques et documents volés, et a commenté les deux films video réalisés sur le terrain pendant les fouilles, à l'intention de la Cour et des jurés.
Beijer avait parlé de ces caches d'armes dès la fin 1987 à un enquêteur nivellois, en précisant qu'il existait un danger potentiel parce qu'à proximité se trouvait un plan d'eau près duquel jouaient des enfants. Ce qui correspond: l'une des deux villas de la propriété, qui donne sur une vaste pelouse et un étang, est habitée par le fils du propriétaire et ses enfants, âgés d'une dizaine d'années.
Déménagés par précaution d'un box loué Rue Lepage
Beijer a réaffirmé hier avoir été chargé vers le début 1987 de planquer une VW Passat (volée le 16 décembre 1986 à Watermael-Boitsfort) dans le box 23 du parking des Marchés, rue Léon Lepage à Bruxelles, dans le cadre des opérations "Enterprise" attribuées, selon Beijer, à des hommes de la Sûreté de l'État. L'épouse de Bouhouche a dit à Beijer que la voiture devait servir à l'évasion de son mari, incarcéré depuis janvier 1986. Dans ce box, Beijer dit avoir vu une moto et une sorte de "kit bag" apparemment bourré d'armes. C'est après sa première incarcération en octobre 1987 que Beijer, se sentant piégé par l'enquête à laquelle il avait collaboré en livrant plusieurs caches d'armes, a, de sa prison, fait demander à un ami de sortir le sac d'armes, puis à un autre d'aller le planquer, sans informer le premier de ce que le second faisait. Je prenais mes précautions, dit-il. J'avais aussi demandé de sortir de la Passat des documents, dont un agenda, que je ne retrouve pas. Il dit ignorer aussi où est passée la moto.
Des HK, comme à l'ESI, et le Stechkine de Castro?
Dans la première cache, deux pistolets mitrailleurs Heckler und Kock (comme les HK volés à l'ESI en 1982) de cal. 9 mm court, quatre crosses, un pistolet Stechkine de cal. 9 mm Makarov de l'armée rouge (rare à l'époque et semblable au Stechkine volé chez Mendez en 1985, qui l'avait reçu d'un colonel péruvien, lui-même l'ayant reçu de Raoul Castro, le frère de Fidel), un pistolet FN cal. 22 modèle Medalist, un pistolet semi-automatique Smith et Wesson modèle 41, cal 22 long, des chargeurs remplis de cartouches .22, un chargeur vide et 46 documents communaux dont trois passeports 43 cartes vierges ou usagées provenant de Chaumont-Gistoux (cambriolage de juillet 1981), de Cuesmes, de Nivelles et Wavre (où l'on ne se souvient pas de tels vols).
En outre, un silencieux de marque "Unique", un sac de munitions, notamment des fameuses Hollow Point (le type de munitions de Bouhouche, de la Sûreté et de l'assassinat de Mendez en janvier 1986) et trois plaques de voitures, l'une originale (P 26) volée il y a une dizaine d'années à un sénateur, et deux duplicata immatriculés DEE 501 et EDY 991, dont l'un volé à la brigade de gendarmerie d'Uccle (où Bouhouche fut affecté lorsqu'il dut quitter la BSR).
Dans la deuxième cache, découverte dans le même bois, à six mètres de la première, on a retrouvé des boues jaunes pronvenant de bâtons de dynamite liquéfiés, avec des emballages d'origine rongés, des détonateurs électriques, seize chargeurs et une grenade à fragmentation de type américain.
Le tout, fortement attaqué par l'humidité et enduit de boue, fait actuellement l'objet d'analyses en laboratoire. Sans jeu de mots facile, les résultats des recherches sur la provenance de ces armes, munitions et explosifs pourraient aussi être explosifs. On se souvient des allusions de néo-nazis du WNP à des caches d'armes et d'explosifs, ainsi que des déclarations de Martial Lekeu, autre ex-gendarme parti aux États-Unis, qui parlait aussi de caches d'explosifs, à l'époque du Groupe G et des tueries du Brabant...
Gendarmes trop curieux et nouveaux devoirs d'enquete
Commentant les recherches de vendredi, la défense de Beijer a regretté que malgré ses craintes et les consignes du président, des gendarmes de la BSR et de la brigade de Nivelles sont néanmoins venus sur les lieux. Un juré s'est assuré qu'ils avaient bien été identifiés. Ca veut dire que les informations ont circulé dans les états-majors pendant le week-end, avant de parvenir à votre Cour, a remarqué Beijer.
A l'avocat général qui lui rappelait des confidences d'époque, échangées avec Amory (il fut bien question entre eux d'explosifs et d'un projet de vol dans une carrière du Namurois), Beijer a sèchement répliqué que l'enquête n'avait pas révélé de vol dans la région (il y en eut cependant un en mai 1984 à Écaussines, à l'époque de l'attaque du camp des Chasseurs ardennais à Vielsalm), et que plutôt que de supputer sur ces explosifs, il est préférable d'attendre les résultats.
On en saura peut-être alors un peu plus sur la provenance, a-t-il conclu.
Beijer joue donc toujours la carte de sa crédibilité, dans ce spectaculaire rebondissement provoqué au procès. Les caches d'armes existaient. Mais rien jusqu'ici ne prouve que ce "butin", secrètement déplacé à l'époque pour établir sa bonne foi, ait réellement été manipulé dans le cadre des fameuses missions "Enterprise" qu'il attribue à des hommes de la Sûreté. Suspense...
Bron: Le Soir | René Haquin | 18 Oktober 1994
Les armes de Villers: l'ESI, Mendez et la FN?
La cour d'assises du Brabant, qui poursuivait hier l'examen de l'assassinat de l'ingénieur de la FN Mendez abattu le 7 janvier 1986, a d'abord pris connaissance des premiers résultats de l'examen, par le laboratoire de police scientifique, des armes déterrées (avec des explosifs et divers documents) le 14 octobre dernier, dans une propriété boisée de Sart-Dames-Avelines (Villers-la-Ville) où Beijer avait conduit les enquêteurs.
Un des opérateurs du labo, M. De Groote, qui précise n'avoir utilisé que la technique de la lumière rasante, la seule permettant de laisser les pièces dans l'état où elles ont été déterrées, indique avoir découvert sur un pistolet mitrailleur Heckler und Koch à crosse rigide une fin de date (76) et trois des six chiffres du numéro de fabrication: 830, trois chiffres pouvant correspondre à deux des HK volées au début 1982 à l'ESI, le groupe antiterroriste de la gendarmerie. Le numéro de fabrication a été limé sur un second HK de type SD 2 (avec silencieux incorporé), mais la crosse porte le millésime 1979, correspondant au millésime d'une dizaine de HK du même type provenant du vol à l'ESI.
Un pistolet Smith et Wesson modèle 41 (pour le tir de précision) porte, à l'endroit habituel du marquage (5 chiffres), cinq traces de forage, mais on voit sur la glissière quatre points d'attache correspondant aux quatre points d'une lunette de grossissement (1 x 5) également déterrée. Ce SW à lunette peut correspondre à l'un des deux pistolets semblables volés chez Mendez en 1985, six mois avant son assassinat. De même, le fameux pistolet automatique Stechkine (l'arme utilisée par la troupe dans l'Armée rouge) déterré à Sart semble bien correspondre au Stechkine volé chez Mendez: une arme achetée à un colonel péruvien qui l'avait reçue de Raoul, frère de Fidel Castro.
Enfin, une lettre et deux chiffres - U 79 - ont été repérés sur un pistolet semi-automatique Browning de calibre 22 très rouillé. Ce Browning peut correspondre à l'un des pistolets volés dans un important lot d'armes en 1981 à la FN.
Tous les canons semblent à ce point piqués qu'il sera difficile de les exploiter en balistique pour vérifier s'ils ont ou non servi. Le président de la Cour a désigné hier un collège d'experts pour d'autres examens de ces armes chaudes.
"Simon m'a dit..."
Un autre détail troublant a décidé le président Mafféi à demander un complément d'enquête: selon l'inspecteur auquel Beijer était menotté quand il a conduit l'autre vendredi les enquêteurs aux caches, Beijer (qui se refuse à donner l'identité de "l'ami" qui enterra ces armes provevant d'un box loué) aurait par mégarde ce soir-là lâché, en montrant du bras la propriété boisée: "Simon m'a dit...". Puis il s'est repris. Pour Beijer, l'inspecteur se trompe: sans doute a-t-il cru entendre Simon au lieu d'un sinon. Et Beijer d'ajouter habilement Ne cherchez pas de Simon, sinon vous perdrez votre temps...
Mais le PJ-man confirme que dans le contexte de la phrase, Beijer parlait bien d'un Simon.
On retiendra du reste de l'audience, consacrée aux auditions des juges Schlicker et Hennart, que, pour les deux magistrats, les pistes menant à d'autres suspects que Bouhouche n'étaient pas les bonnes. Au matin de l'assassinat de Mendez, Stowell était en prison, Ceulemans au Zaïre et Bultot chez son amie Dominique...
Bron: Le Soir | René Haquin | 25 Oktober 1994
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