Tueries du Brabant: un ancien avocat parle d’un client
Le témoignage d’Étienne Delhuvenne est-il susceptible d’intéresser l’enquête sur les tueries du Brabant? L’intérêt, c’est que l’ancien avocat au barreau de Bruxelles parle sous sa responsabilité d’un client qui, selon lui, ne mentait pas. Son client s’appelait Bruno Vandeuren. La piste n’est pas neuve. Mais pour Étienne Delhuvenne, elle aurait “été déroutée.
Delhuvenne: “Je n’ai aucun doute. Bruno Vandeuren ne mentait pas quand il me disait avoir participé directement au vol d’armes chez l’armurier Dekaise.”
Le 30 septembre 1982 vers 10 h, entre 15 et 20 armes furent volées chez Daniel Dekaise à Wavre, et surtout un policier tué, Claude Haulotte.
étienne Delhuvenne était alors avocat. “J’attendais un client à 14 h dans mon cabinet rue du Val d’Or. Ce client, Jean-Luc Piavaux, est arrivé avec un retard de trois quarts d’heure qu’il a expliqué en disant qu’il y avait eu un casse et qu’il avait dû déposer un des auteurs rue du Beau Site, en fait le frère de sa secrétaire. J’ai eu la maladresse d’expliquer ce que Piavaux m’avait dit au client suivant, Francis Dossogne (alors détective privé et leader d’extrême droite). J’ai appris plus tard que Dossogne quittant mon cabinet s’est immédiatement rendu à la PJ chez le commissaire Zimmer. La PJ de Bruxelles savait donc le jour-même que je savais des choses.”
Et c’est Piavaux, poursuit Delhuvenne, qui l’a chargé d’aller voir le frère de sa secrétaire, Bruno Vandeuren, à la prison de Saint-Gilles. L’ex-avocat nous décrit hier la scène au parloir. Ils sont seuls dans le box. Delhuvenne n’a aucun doute: Bruno Vandeuren – qui doit avoir 22 ou 23 ans – ne fantasme pas.
“J’ai en face de moi quelqu’un qui se vante d’avoir échappé miraculeusement à tous les barrages et en est d’autant plus fier que c’est lui qui était au volant. Vandeuren me donne les noms des deux autres, un Vietnamien (cuisinier, dans l’Horeca, à Etterbeek) et un type qu’il avait connu en maison de correction. Il faisait le guet. Les deux autres sont entrés dans l’armurerie (s’agissant du Vietnamien, on peut rappeler que Daniel Dekaise décrivait un homme à la peau mate). Vandeuren a vu le tireur achever le policier à terre d’une balle derrière l’oreille. Bruno Vandeuren se demandait pourquoi ‘ce fou’ avait fait ça.”
Fuite vers Bruxelles. On aurait déposé Vandeuren chez Piavaux où sa sœur est secrétaire, et Piavaux aurait conduit le truand dans un box rue du Beau-Site à Ixelles (et Piavaux arriva ainsi en retard chez son avocat Delhuvenne qui avait plaidé le matin pour lui en justice de paix).
Si certains détails étaient connus, on a maintenant un témoignage de première main et la version complète de Delhuvenne: trente-cinq ans après, l’avocat de Bruno Vandeuren dit sa conviction que son client ne fabulait pas.
Étienne Delhuvenne n’en a pas fini. “Quelque temps après, j’étais convoqué à la BSR par un capitaine et son équipe d’enquêteurs. Ils m’ont fait confirmer ce qu’ils savaient déjà sur Vandeuren. J’ai ajouté que Bruno Vandeuren vouait une admiration sans borne à Anthemus, un truand de l’époque. Au nom d’Anthemus, le capitaine de gendarmerie s’est emporté violement: ‘Ne prononcez jamais plus le nom d’Anthemus.’ Michel Anthemus était un de leurs indics.”
Des années plus tard, Étienne Delhuvenne, qui défend alors une dame à qui l’on a retiré le permis, s’adresse au ministre de la Justice - alors Jean Gol. Apparemment, cela se faisait. Un conseiller reçoit l’avocat et accepte d’intervenir (pour restituer le permis). Delhuvenne affirme hier que le conseiller du ministre lui demandait en échange des informations sur le directeur-adjoint de la prison de Saint-Gilles Jean Bultot.
Pourquoi parler de Jean Bultot? Parce que Bultot a toujours prétendu que Bruno Vandeuren qui fut détenu à Saint-Gilles lui a dit à lui aussi qu’il était l’un des auteurs du hold-up Dekaise. C’est une version que Jean Bultot maintenait plus tard qu’il y a deux mois. Ils sont donc au moins deux à témoigner: Bultot et Delhuvenne.
Tous les protagonistes ont vu leur vie cassée. L’avocat Delhuvenne fut inculpé neuf fois. Bultot a dû fuir. Le conseiller du ministre Gol fut incarcéré. Piavaux est mort assassiné au Congo en 1986. Vandeuren a été trouvé mort en décembre 1988 à Ostende ; tué, ce qui n’échappera à personne, d’une balle sous l’oreille gauche. Et si Delhuvenne fut inculpé neuf fois, l’homme qui a maintenant 67 ans tient à préciser qu’il a été acquitté pour tout.
Bron: La Dernière Heure | Gilbert Dupont
De waarheid schaadt nooit een zaak die rechtvaardig is.