Eind 1988 ging Christian Baeyens op pensioen:
Retraite de Christian Baeyens, le praticien de l'instruction
Christian Baeyens a pris sa retraite anticipée. L'annonce s'était propagée telle une traînée de poudre, depuis les super-districts de gendarmerie du Brabant wallon jusque dans les plus petits commissariats de police où cette force de la nature n'avait qu'amis et admirateurs. Ce juge d'instruction à la carrure de déménageur mais au coeur d'or avait en effet réussi à faire apprécier son sens aigu de l'humanisme, son jusqu'au-boutisme, sa volonté inébranlable de faire triompher la vérité quelque dérangeante qu'elle pût être, son sens de l'humour et ses talents d'imitateur. Un cocktail original par les temps qui courent...
Né le 29 septembre 1928 en Allemagne occupée et quatrième d'une famille de sept enfants, Christian Baeyens ne mit pas immédiatement à profit son diplôme de docteur en droit décroché en 1950 à l'ULB. Héritage paternel, la fibre coloniale amena ce premier lieutenant de vaisseau à prendre pied pendant trois ans dans le secteur bancaire d'Elisabethville et Léopoldville.
Le travail de bureau ne lui plut guère à l'inverse du Congo qu'il retrouva en 1957 après avoir suivi chez nous une formation de magistrat colonial. Il resta à Lisala - là où naquit Mobutu - jusqu'à l'Indépendance puis regagna Bruxelles où il devint stagiaire du Parquet avant de se faire détacher au ministère de la Santé publique jusqu'en 1969.
Revenu dans le giron de ses amours universitaires, il fut nommé substitut et arriva bien vite à Nivelles où Alfred Joris et Willy Mathoux se partageaient l'instruction sous la tutelle du procureur du Roi Paul Delcorde. Le second devint conseiller à la Cour d'appel de Bruxelles, libérant une place que le nouveau venu postula avec succès.
Commença alors en 1976 une carrière fructueuse et mouvementée en raison de l'accroissement de la criminalité en Brabant wallon. Deux affaires marquèrent spécialement ce praticien du "tous terrains". Elles sont connues sous le nom d'un assassin aux multiples visages (Nestor Pirotte) et d'une victime d'une machination sordide (le docteur Michel Delescaille). Son obstination et l'utilisation intelligente d'éléments ténus associées à une équipe d'enquêteurs ne rechignant jamais à la besogne lui permirent de les élucider avec maîtrise.
Abusé par une victime qui se suicide
Un des regrets de Christian Baeyens est de partir sans avoir pu élucider deux crimes commis à quelques mois d'intervalle en 1985. Ernest Frisque, un octogénaire de Dion-Valmont, fut tué par balles dans sa maison qui fut ensuite incendiée. C'était le 7 mars. Le 15 août, Willy Pans, un transporteur de fonds, fut exécuté sur le parking de Walibi. (1) Des pistes ont été suivies. En vain jusqu'à présent.
Un autre souvenir tragique? L'histoire lamentable d'une femme accusant son mari de lui administrer du méthanol dans le café. Des analyses prouvèrent que l'absorption de ce mélange lui avait effectivement causé de sérieux troubles. Le mari fut écroué malgré ses dénégations. L'épouse en profita pour filer ce qu'elle croyait être le parfait amour avec un tiers qui la déçut rapidement. Prise de remords, elle se suicida en laissant un mot déchirant. Le mari s'évanouit dans le bureau du juge d'instruction qui venait de lui révéler la vérité.
Seul ou à double carcan?
Une des leçons tirées par M. Baeyens est qu'un juge d'instruction est à la fois seul et doublement surveillé. Seul magistrat à être en contact direct avec les êtres humains et en cela très proche des enquêteurs, il l'est aussi avec sa conscience... et son greffier - un tandem de quasi confidents - face à l'inconnu, aux médias, aux avocats et au parquet avec lesquels il lui arrive d'être en désaccord. Il est également officier de Police judiciaire, ce qui signifie qu'il a des comptes à rendre au Procureur général ou à son délégué.
Voilà qui pose parfois problème car il est aussi le seul magistrat à ne pouvoir être nommé définitivement. Un de ses souhaits est précisément que l'on modifie le "statut" du magistrat instructeur et que l'on revoie la détention préventive. Il n'en dira pas davantage - et ne fera pas allusion directe au sort récent d'un collègue shérif bruxellois - mais il a beaucoup souffert de la bastonnade, imméritée selon lui, réservée à ses deux collègues Wezel et Schlicker. Telle est l'explication de sa retraite anticipée.
Des voyages et la commission d'enquête
Père de quatre enfants, grand-père à quatre reprises (mais pas encore de petite-fille...), Christian Baeyens partage sa retraite entre l'archéologie - il est vice-président de Romana - et les voyages. Il revient de Venise et ses valises sont prêtes pour la Turquie. Dans un an il s'embarquera pour les îles du Pacifique car il cultive la passion de la marine à voile après avoir exploré à deux reprises les immensités désertiques du Mali et de la Mauritanie.
A plus brève échéance, il croit être appelé à témoigner devant la commission parlementaire d'enquête sur la lutte contre le banditisme et le terrorisme. A l'image du procureur du Roi honoraire de Bruxelles Francis Poelman, il aurait des révélations intéressantes à formuler, notamment en ce qui concerne la clôture de l'enquête sur Latinus - c'est relativement connu - et le début des investigations sur la double tuerie des Delhaize de Braine-l'Alleud et Overijse - ce qui l'est beaucoup moins. Il en fut chargé mais dessaisi après deux mois pour des raisons de connexité balistique.
Bron: Le Soir | Jean Vandendries | 15 november 1988
(1) Meer info over de overval in Waver vind je hier » Forum
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