La commission parlementaire d'enquête "bis" entend deux anciens de la BSR de Wavre
Tueries: Bihay et Balfroid vident leur sac
Deux gendarmes et un juge disent que le procureur Deprêtre bloquait des enquêtes. L'avocat Graindorge veut demander sa suspension. Petit à petit, nous avons ressenti des pressions en suivant une quarantaine de pistes après l'attaque de l'armurerie Dekaise à Wavre en septembre 1982. Des pressions de la hiérarchie et de la part du procureur de Nivelles.
Franz Balfroid et Gérard Bihay, deux anciens de la BSR de Wavre, furent sanctionnés administrativement pour avoir suivi avec trop d'obstination des pistes menant vers l'extrême droite, la gendarmerie et des affaires de "ballets roses". Ils ont été entendus hier par la commission parlementaire d'enquête "bis" sur les tueries du Brabant.
Il y a sept ans, dans ses conclusions, la première commission parlementaire sur les tueries avait, en ce qui les concerne notamment, conclu qu'une instance indépendante devait revoir la situation des personnes qui avaient été l'objet de sanctions déguisées. Nous contrôlerons le suivi, avait promis en mai 1990 le député Van Parijs, aujourd'hui président de la commission "bis". Tony Van Parijs doit bien constater qu'aucune instance indépendante n'est intervenue, et que la gendarmerie a considéré depuis lors qu'il n'y avait pas lieu de revoir la situation de Bihay et Balfroid.
Les pistes les plus sérieuses suivies par les deux gendarmes après l'attaque de l'armurerie Dekaise, en septembre 1982, les conduisirent vers des Libanais membres de la Phalange, venus chez Dekaise peu avant l'agression; vers des trafiquants d'armes soupçonnés de trafic avec la Bulgarie; vers des éléments d'extrême droite (l'ancien gendarme Bouhouche, client de Dekaise, le WNP de Latinus et le journaliste arabe Faez Al Ajjaz); vers des sociétés d'import-export dissimulant sous des activités en apparence anodines des opérations de trafic d'armes.
Les deux gendarmes faisaient régulièrement rapport et dressaient des PV. On mettait au présent les informations recoupées par d'autres services comme la Sûreté de l'Etat, et au conditionnel les informations non recoupées, disent-ils.
Au passage, ils signalent à la commission que le juge d'instruction Schlicker lui-même se méfiait du greffe de Nivelles. Des indices matériels déposés au greffe disparaissaient, disent-ils. Comme un polo retrouvé à demi enterré dans la forêt de Soignes après l'attaque de l'armurerie. Ou comme les copies de la plaque d'immatriculation DSN 237 ayant équipé la Santana des tueurs, plaques retrouvées cisaillées...
Les deux gendarmes parlent des pressions exercées par le procureur du Roi de Nivelles sur le juge Schlicker. Plusieurs devoirs d'enquête demandés leur ont été refusés. Quand ils en vinrent à soupçonner l'armurier Dekaise de n'avoir pas dit toute la vérité et de se livrer aussi au trafic d'armes, ils se heurtèrent au procureur de Nivelles, qui leur reprocha d'importuner une victime et ordonna de restituer une quarantaine de silencieux saisis, qu'un artisan fabriquait sans autorisation pour l'armurier.
Des pistes menaient vers des gendarmes. Vers des réunions "spéciales" à surveiller à La Hulpe. Vers une cellule d'extrême droite à la gendarmerie (le groupe G) projetant un coup d'Etat. Vers la découverte, dans une "cantine" (une malle métallique) saisie chez Francis Dossogne et entreposée à la gendarmerie, de photos de paracommandos en tenue et d'une lettre du général Beaurir qui remerciait le leader du Front de la jeunesse des services rendus et le félicitait pour les objectifs poursuivis par son mouvement.
Où est celle lettre? La "cantine" saisie doit être aujourd'hui au greffe du tribunal correctionnel de Bruxelles, dit Franz Balfroid.
Ils rappellent avoir été soupçonnés par le procureur de Nivelles d'avoir eux-mêmes organisé la fuite d'un de leurs rapports de synthèse publié par un hebdomadaire. Méfiants, Bihay et Balfroid avaient piégé leur rapport. L'exemplaire aux mains du journaliste était celui du juge Schlicker. Le journaliste a déclaré, sur PV, l'avoir reçu au parquet de Nivelles, et aurait ajouté, hors PV, l'avoir eu du procureur Deprêtre lui-même.
Selon Gérard Bihay, il fallait cesser toute investigation sur certains trafics d'armes. Un colonel de gendarmerie l'a averti que continuer l'enquête reviendrait à fabriquer des chômeurs à la FN de Herstal et qu'il ne fallait pas contrecarrer des raisons d'Etat.
Une piste menait à l'Opus Dei. Mais les gendarmes observèrent que le procureur de Nivelles en était. Ils affirment aussi que le juge Schlicker aurait dit avoir vu sur une photo d'un dossier de moeurs un général dans le plus simple appareil. Une affirmation que le juge avait démentie lors de sa récente audition.
Autre affirmation des anciens gendarmes de Wavre: l'actuel procureur du Roi de Bruxelles, Benoît Dejemeppe, aurait, à l'époque où il était juge d'instruction, déchiré une apostille du juge Schlicker lui demandant de consulter un autre dossier de moeurs.
Le témoignage de l'ancien juge d'instruction de Nivelles Christian Bayens n'a pas amélioré l'image du procureur Deprêtre: Il est repsonsable du chaos de l'enquête. Son obsession était de ne pas toucher aux institutions. Il était dès lors hors de question d'aller voir du côté de la gendarmerie ou de la Sûreté de l'Etat.
Et de confirmer qu'en dépit de ses dénégations actées lors d'une précédente audition, le procureur de Nivelles avait bien dit du juge Schlicker qu'il enquêtait sur l'extrême droite à cause de ses origines juives...
Michel Graindorge, avocat des familles des victimes, a annoncé qu'il allait dès la semaine prochaine demander au procureur général de Cassation Eliane Liekendael de suspendre le procureur du Roi de Nivelles.
Bron: Le Soir | René Haquin | 22 Februari 1997
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