Deux historiens suggèrent de lancer une grande recherche comme celle qui a permis de clarifier l’assassinat de Julien Lahaut en 1950.
Le soufflé médiatique récent autour de nouvelles révélations sur les Tueries du Brabant des années 1980 semble être retombé. On n’a donc pas vraiment progressé mais est-ce une raison de ne pas tenter d’autres pistes? Dont l’une serait en fait de mettre sur pied une commission plus de recherche que d’enquête, principalement historique qui revisiterait le dossier à l’aune des archives mais aussi de la recherche de nouveaux éléments autour des événements tragiques qui avaient alors secoué la Belgique.
C’est la conviction de deux historiens belges chevronnés, Emmanuel Gérard, récemment admis à l’éméritat à la KU Leuven, et Rudi Van Doorslaer, l’ancien directeur du CegeSoma, le Centre d’études Guerre et sociétés contemporaines.
Surmonter les complicités par omission…
Il faut dire que ces deux chercheurs, qui ont depuis très longtemps compris l’importance de resituer les grandes évolutions de notre pays dans l’histoire contemporaine en faisant largement appel à l’opinion publique, ont un bel argument à faire valoir: alors que l’affaire Julien Lahaut – du nom de l’assassinat en août 1950 du président du Parti communiste, abattu devant sa maison à Seraing – resta pendant des décennies dans un grand brouillard judiciaire, ils ont, voici deux ans, avec l’aide de jeunes chercheurs dynamiques permis de fermer pas mal de portes dans ce qui fut un des grands assassinats politiques de la Belgique moderne.
Il y avait nombre de présomptions sur les auteurs et leurs commanditaires. Les recherches ont permis de boucler la boucle, en soulignant notamment le rôle de certains milieux anti-communistes soutenus directement ou indirectement par des personnalités politiques ou du monde des affaires.
Les historiens ont aussi apporté la preuve que certains enquêteurs ont freiné les recherches parce qu’ils ont découvert la présence d’acteurs qui faisaient partie de leurs informateurs. Pour les deux historiens “il est clair que les crimes des Tueurs débordent du banditisme traditionnel. Ils ont eu un caractère politique direct ou indirect et, restons prudents, pourraient être réliés à des réseaux d’extrême droite”.
Une taskforce de chercheurs
Partageant l’attente des familles des victimes à connaître les auteurs et les motifs de ces crimes afin de faire définitivement leur deuil, Gerard et Van Doorslaer plaident pour la création d’une taskforce d’historiens qui pourrait revisiter à l’aune de l’Histoire les officines mises en cause depuis 1985, du Westland New Post et du CEPIC (l’aile droite du PSC, à l’époque) à certains groupes de la gendarmerie (Groupe G, Diane, etc.) tout en investiguant aussi sur les personnes citées de près ou de loin.
Les deux historiens sont bien conscients qu’on devra strictement baliser une telle recherche car la moindre faille pourrait torpiller définitivement l’enquête judiciaire. Mais contrairement à une hypothétique troisième commission parlementaire hyper-médiatique, une enquête historique approfondie, menée sereinement, offre plus d’espoirs…
Bron » La Libre | Christian Laporte