C’était il y a 40 ans. Entre 1982 et 1985, des attaques sanglantes ont semé la terreur dans le Brabant. Les braqueurs ont laissé derrière eux 28 morts, parmi lesquelles des personnes qui faisaient leurs courses dans des supermarchés, mais aussi des policiers et des gendarmes. De nombreuses pistes ont été suivies, de nombreuses théories élaborées, l’enquête relancée, des centaines d’analyses ADN effectuées, mais les enquêteurs n’ont pu obtenir aucune réponse. Nouveau rebondissement : ce dossier bénéficie désormais de l’imprescriptibilité.
Hier soir, la Chambre a adopté une réforme des délais de prescription. Sont désormais imprescriptibles les crimes “extrêmement graves en raison de leur portée, en particulier du nombre de victimes ou de la peur intense ou terreur suscitée chez les citoyens”. Le dossier des Tueurs du Brabant devait être prescrit le 9 novembre 2025, soit 40 ans après les derniers faits. Cette date limite vient de sauter. Les enquêteurs vont pouvoir poursuivre leur travail, mais jusqu’à quand ?
Fin 2017, le parquet fédéral reprend le dossier des Tueries du Brabant. Dans son rapport annuel de 2018, le parquet note : “Puisque le dossier sera définitivement prescrit en 2025, et que l’objectif final du dossier est de poursuivre et juger les auteurs, l’enquête doit être clôturée d’ici 2022, étant donné qu’il faut certainement 3 ans pour obtenir un jugement”.
Pourquoi prescrire des faits ?
La prescription, c’est le fait de ne plus pouvoir poursuivre une infraction après un certain nombre d’années. Le délai commence le jour où les faits incriminés ont été commis. Mais à quelles fins la prescription a-t-elle été pensée par le législateur ? Elle est régie par trois lignes directrices.
D’abord, la notion de paix sociale. Le trouble social engendré par une infraction diminue au fil du temps. Autrement dit, plus le temps passe, moins il devient opportun de poursuivre l’auteur présumé des faits car cela ne sera pas bénéfique à l’ordre public.
Ensuite, avec le temps qui passe, apporter des preuves, tant à charge qu’à décharge, devient de plus en plus difficile. Les indices disparaissent, les témoins décèdent. La prescription doit donc être vue comme un rempart contre l’erreur judiciaire.
Finalement, le fait qu’il y ait une sorte de date de péremption pour des délits et infractions pousse les autorités judiciaires à agir sans traîner que ce soit au moment de l’enquête ou du jugement.
Quels sont les délais de prescription ?
Il existe plusieurs délais de prescription selon la nature des faits concernés. Pour certains crimes particulièrement graves tels que l’attentat à la pudeur et le viol ayant causé la mort commis sur un majeur, le délai de prescription est de 15 ans.
Ce délai passe à 20 ans pour les crimes punissables de la perpétuité et pour les crimes particulièrement graves commis sur un mineur.
Ces délais de 15 et 20 ans peuvent être doublés quand un acte interruptif est posé comme un acte d’enquête, par exemple.
Par ailleurs, certains faits sont imprescriptibles. Il s’agit des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Le 30 décembre 2019, les infractions sexuelles graves commises sur mineur ont été ajoutées à cette liste des faits imprescriptibles. Dernier ajout en date, les crimes qui sont considérés comme “extrêmement graves en raison de leur portée, en particulier du nombre de victimes ou de la peur intense ou terreur suscitée chez les citoyens”. Elle s’appliquera aussi aux crimes visant “à déstabiliser ou détruire les structures fondamentales” du pays.
Le dossier des Tueries du Brabant reste ouvert, mais jusque quand ?
Le parquet fédéral a encore réalisé des devoirs d’enquête très récemment, en décembre dernier. L’annonce de la fin de la prescription suscite une double réaction chez Eric Van Duyse, directeur de la communication : “Avec la prescription, on pourrait imaginer que quelqu’un se réveillera un jour et fera des déclarations qui pourraient même l’incriminer en sachant qu’il ne risque plus rien. Cette possibilité disparaît”.
D’autre autre côté, Eric Van Duyse précise : “Si le dossier est fermé, mais qu’un élément significatif apparaît dans quelques années, on pourra le rouvrir si l’élément est suffisamment important et ça, sans limite de temps. Cela veut dire que, dans 40 ans, on pourrait avoir une explication pour autant qu’il y ait encore des éléments disponibles à ce moment-là”.
Et sur ce point, rien n’est moins sûr. Eric Van Duyse : “D’excellents enquêteurs travaillent depuis de nombreuses années. Tout ce qu’on pouvait faire a été fait. À un moment, il faudra peut-être constater que toutes les pistes ont été explorées, tous les moyens humains et techniques ont été mis en œuvre, mais sans qu’on trouve la solution. Un jour, il faudra envisager la possibilité de refermer ce dossier”.
Bron » RTBF