La valse des disparus

Denis Marin, Rocky Ivanovic et Yvan Poels ont eu rendez-vous avec les frères Hilger. Aucun n’est revenu…

Claude et Frédéric Hilger sont deux truands belges connus. C’est chez l’aîné, Frédéric, 42 ans, dit Tic Tac, qu’on a retrouvé dans les années 1990 l’arme du gendarme braqué par Patrick Haemers lors de son évasion d’un cellulaire, en 1987. Son frère Claude Hilger, 39 ans, maintes fois condamné en correctionnelle. Libérés. Plus que présumés innocents: marchant l’un et l’autre vers le non-lieu.

L’affaire est à l’instruction chez la juge Silvania Verstreken après l’avoir été chez Véronique Goblet.

Le 2 mai 1997, un certain Radovan Ivanovic, alors 36 ans, a rendez-vous avec les Hilger à un endroit précis face au 175 chaussée d’Alsemberg à Buizingen. Radovan, qu’on surnomme Rocky, quitte Saint-Josse au volant de la Mercedes 300 D avec laquelle il était rentré, la veille, d’ex-Yougoslavie. Ni Rocky ni sa Mercedes n’ont jamais été retrouvés.

Deux mois et demi plus tard, le 15 juillet 1997, à 9 h du matin, un certain Yvan Poels, 42 ans, mécanicien dans un garage à Etterbeek, se parque près du restoroute de Ruisbroek sur l’autoroute Bruxelles-Mons. Yvan Poels a prévenu son patron qu’il aurait du retard: sa mère est souffrante. C’est bien la première fois que l’ouvrier prévient son patron. Yvan Poels n’a plus jamais été revu. Sa Renault Clio fut retrouvée sur le parking dont une caméra a filmé Yvan Poels, à 9 h 17, … avec les frères Hilger.

Plus tard en 1997 ou 1998, un certain Denis Marin se prépare à déposer les enfants à l’école quand son GSM reçoit un appel: les frères Hilger veulent le voir. Denis Marin prie sa femme de s’occuper des enfants, et la rassure: il n’en a pas pour longtemps. Le Bruxellois, comme les deux précédents, n’a plus été revu et le corps de Denis Marin n’a jamais été retrouvé.

En 2000, un caïd détenu à Ittre prétendait qu’il était mort noyé. A voir. Aucun corps n’ayant jamais été retrouvé, les enquêteurs se sont demandés si ce n’était pas dans un bain d’acide.

La veille de sa disparition, Radovan Ivanovic était rentré par la route d’ex-Yougoslavie alors qu’il aurait pu le faire par avion (d’autant qu’il devait ensuite se rendre à Lyon): il a préféré trois jours de route.

Il est établi que le 1er mai, Ivanovic a échangé quinze coups de fil avec les frères Hilger. Et que le 2, jour de la disparition, les GSM d’Ivanovic, de Frédéric Hilger et de Claude Hilger se sont trouvés aux mêmes moments au lieu du rendez-vous à Buizingen.

Selon nos infos, c’est des armes que Radovan Ivanovic ramenait d’ex-Yougoslavie. De là à penser que Rocky allait à Buizingen pour parler de son voyage! Où était le désaccord?Etait-il convenu qu’Ivanovic livrerait la commande à Bruxelles et pas sur la frontière autrichienne? Et d’où provenaient les 980.000 F que Radovan avait sur lui en se rendant à ce rendez-vous d’où il n’est pas revenu. A-t-il été tué “dès qu’il est arrivé”, comme le dit quelqu’un?

Enfin, Yvan Poels, le mécanicien d’Etterbeek, avait-il devinéla vérité? On sait qu’il est arrivé au rendez-vous à Ruisbroek à 9 h 03 et a pris un petit-déjeuner. A 9 h 17, il est filmé, encadré par Claude et Frédéric Hilger qui le font monter à l’arrière d’une camionnette, un Fiat Ducato.

Si rien n’a été retrouvé de Radovan Ivanovic, les enquêteurs sont en possession d’un polo taché de sang. Le polo avait appartenu à Poels et c’était le sang d’Yvan Poels. Les preuves, néanmoins, manquent. Et la juge s’apprête à communiquer le dossier au parquet de Bruxelles.

Me Didier De Quévy qui défend les familles Poels et Ivanovic craint que le parquet, faute d’élément, faute de cadavre, ne puisse qu’accepter que les Hilger bénéficient d’un non-lieu.

Bron » La Dernière Heure