Tueurs du Brabant : janvier 1983, la mort du chauffeur de taxi Constantin Angelou

Le mercredi 12 janvier, il est environ midi au centre de Mons lorsque des gendarmes, alertés par des riverains, examinent un taxi bruxellois qui semble être abandonné depuis trois jours à proximité du consulat de France. En inspectant le véhicule, l’inquiétude grandit : des traces de sang laissent penser à l’agression du chauffeur. Quelques minutes plus tard, l’ouverture du coffre enlève les derniers doutes : le corps du chauffeur est retrouvé recroquevillé. L’homme a été abattu de plusieurs balles dans la tête. Constantin Angelou sera identifié dans les heures qui suivent.

Agé de 58 ans, père de famille, il est domicilié à Laeken, où sa disparition avait été signalée par sa famille lorsqu’il n’est pas rentré du travail.

Les premiers devoirs d’enquête permettent de déterminer qu’il a été abattu par-derrière alors qu’il était assis à sa place de conducteur, quatre balles tirées pratiquement à bout touchant. Les investigations menées permettront par la suite de déterminer que le meurtre du chauffeur a eu lieu en Région bruxelloise très peu de temps après la prise en charge de son meurtrier.

La même arme utilisée pour tuer quatre victimes

Dans un premier temps, l’enquête privilégiera l’hypothèse d’une sordide agression motivée par l’argent. La recette du chauffeur, 250 euros, a été emportée et un trajet Bruxelles-Mons en taxi coûtait déjà une belle somme à l’époque. Selon sa famille, Constantin Angelou ne semblait pas menacé dans le cadre de ses activités professionnelles.

L’enquête mettra néanmoins au jour d’autres mobiles possibles liés à la fréquentation de cafés où l’on organise dans l’arrière-salle des jeux clandestins. Ou encore des aides occasionnelles aux exportateurs de voitures d’occasion du quartier de la gare du Midi.

En janvier ’83, toutefois, pas question encore de liens avec l’enquête sur les tueurs du Brabant. Aucun supermarché n’a encore été attaqué et personne n’est en mesure d’établir un quelconque rapprochement avec un autre meurtre qui s’est passé quinze jours plus tôt, celui de José Vanden Eynde, le concierge d’une auberge située à Beersel pas loin de l’autoroute. Lui aussi a été tué de plusieurs balles dans la tête. Les expertises balistiques viendront plus tard. Elles permettront d’établir qu’une même arme a été utilisée à plusieurs reprises pour tuer d’autres victimes.

Les tueurs avaient comme destination Mons

Les premiers devoirs d’enquête sur la mort du chauffeur de taxi ont permis d’en apprendre plus sur le lieu probable du crime. Après la diffusion d’informations dans la presse, un témoin s’est présenté à la police pour indiquer avoir aperçu un manège suspect près du ring à Anderlecht, à deux pas de l’accès à l’autoroute vers Mons.

Il affirme avoir aperçu un homme gisant au sol près d’un véhicule pouvant correspondre et auprès duquel d’autres personnes s’agitaient. La distance peut correspondre avec celle où le compteur du taxi a été mis neutralisé, le véhicule a encore roulé ensuite une centaine de kilomètres. Le chauffeur de taxi a très probablement été tué avant que le taxi n’emprunte l’autoroute vers Mons, ce qui laisse supposer que Mons était la destination finale. Le véhicule aurait d’ailleurs été aperçu à plusieurs reprises à différents endroits de Mons.

Une arme identique volée chez Dekaise

Ce qui va permettre de lier le meurtre du taximan à la longue série de victimes des tueurs du Brabant, vingt-huit au total, c’est la même signature balistique relevée par les experts. L’arme utilisée est un pistolet FN de calibre 22, une arme destinée au tir de précision, rarement utilisée par des truands qui préfèrent des calibres plus puissants. Or ce modèle de pistolet figure parmi le butin des armes dérobées lors de l’attaque de l’armurerie Dekaise à Wavre.

L’enquête qui a démarré à Mons sera jointe à celle des tueries du Brabant lorsqu’il apparaîtra que la signature du pistolet FN 22 est retrouvée lors d’autres meurtres comme celui de José Vandeneynde, le concierge de l’auberge des Chevaliers tué le 23 décembre 1982 ou encore, quelques mois plus tard, lors du double meurtre du couple de Bruxellois Fourez-Dewit sur le parking du Colruyt de Nivelles. Dans l’intervalle, ce pistolet 22LR servira également à tuer le chien de garde au garage Jadot de Braine-l’Alleud où sera volée la voiture Saab qui a servi à Tamise et au Colruyt de Nivelles. Une douille pour ce pistolet sera aussi retrouvée lors de l’attaque de la bijouterie Szymusik à Anderlues.

La théorie du “contrat”

Les auteurs de ces faits ont agi de manière inhabituelle pour des truands ? Car la logique veut que ceux-ci se débarrassent au plus vite d’une arme “chaude” pour éviter, en cas de contrôle ou de perquisition, d’être inquiétés. Or dans le cadre de ces faits, les auteurs font l’inverse : ils laissent une empreinte balistique, une “signature” de manière répétée permettant de comptabiliser leurs méfaits. Les enquêteurs ont dès lors travaillé également sur l’hypothèse des “contrats”.

Cela suppose l’existence d’un noyau organisé, une cellule logistique, qui recrute des exécuteurs contre argent et qui distribue les armes le temps d’effectuer l’opération commandée. Un pot d’armes servirait dès lors à plusieurs reprises mais pas nécessairement avec les mêmes personnes recrutées. Cette explication permettrait de comprendre pourquoi l’enquête désorientée a pu s’enliser au point que quarante ans après ces faits, aucun auteur n’a jusqu’ici été identifié.

Bron » RTBF